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Les Dabit du dimanche

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Une actualité de David V.
Publié le 17/08/2013

eugene-dabit.jpegVive le Domaine Public! ce pays légendaire qui permet aux auteurs de ne plus être sous la coupe d'héritiers voraces ou d'éditeurs nonchalants. Fixé désormais par jurisprudence à 70 ans guerre incluse, il grossit chaque année de noms dont le prestige s'estompe souvent dans l'indifférence. Eugène Dabit fait sans aucun doute partie de ces écrivains qui méritent vraiment un retour de projecteur, à l'heure où Gide ressort en Pléiade et quand on sait l'importance que le grand homme eut dans sa vie. Plusieurs éditeurs ont donc entendu sa voix et l'ont remis à l'honneur au sein de leurs catalogues. Denoël s'étant fort opportunément rappelé que L'Hôtel du Nord avait paru sous son enseigne l'a remis en vente au début du millénaire avec l'inévitable Arletty en couverture. Il est vrai que même sans le grand film, très infidèle, qui en a été tiré, cela reste le chef-d'oeuvre de Dabit, un livre nourri comme souvent de sa propre vie. Avec Train de vies réédité par Buchet Chastel dans la collection (verte) de Xavier Houssin, Domaine Public, c'est le Dabit nouvelliste qu'il nous a été donné de redécouvrir avec une très éclairante préface du spécialiste incontesté Pierre-Edmond Robert qui rappelle opportunément que le jeune homme était également peintre et qu'il a laissé quelques belles toiles (et une nouvelle "Monsieur Petitfrère" sur le sujet). En fin d'année dernière c'est au tour de Bernard Pascuito d'avoir puisé dans le fonds en proposant l'introuvable Zone verte, ultime roman publié par l'auteur en 1935 avant sa précoce disparition lors du fameux voyage en URSS des écrivains français emmenés par André Gide (une mort qualifiée par certains de mystérieuse : il finit seul, terrassé par une maladie foudroyante en Crimée), un roman comme le dit P.-E. Robert dans lequel il a mis "beaucoup de lui-même", de son découragement et de son désir de vivre. Plus surprenant, l'édition d'un inédit par le même B.Pascuito, Yvonne, nous permet de saisir la naissance d'un écrivain car le manuscrit aurait pu disparaître comme certaines de ses toiles dont Dabit se débarrassa. Sans être majeur, ce roman nous éclaire sur son versant artiste en mettant en scène la femme, le modèle fusionnel à la recherche illusoire de l'union grâce à l'art. Mais l'écriture en est encore incertaine. Dernière parue de cette suite encourageante de rééditions, la contribution des éditions Finitude, maison bordelaise dont nous signalons souvent ici le pertinent travail. Plus soucieuse d'aller fouiller dans les recoins, elle nous propose un court texte autobiographique qui ravira les amateurs de commencements puisqu'on y suit un jeune homme, vertueux, atteint par le démon de la création et qui se lance dans la rédaction sur son cahier d'écolier du roman de sa vie avant d'oser, mi-innocent, mi-orgueilleux, le proposer en lecture à un Louis Ancelme en qui il faut reconnaître Gide, divinité vivante des Lettres. Tout le sel de cette longue nouvelle tient surtout à l'éprouvant parcours du jeune homme taraudé par l'angoisse, guettant fébrilement le facteur comme un amoureux sans nouvelle, s'"y voyant déjà" et refusant en même temps de se méprendre. L'aventure de Pierre Sermondade est de celles que connaîtront toujours les apprentis écrivains même si beaucoup n'auront pas la chance d'être remarqués par l'équivalent d'un Gide ou d'un Martin du Gard, auteurs généreux qui savaient qu'on juge un homme de Lettres à sa capacité à découvrir de nouveaux talents (cette attitude perdure-t-elle vraiment ? on peut en douter...). Car la vie continue pour Sermondade qui doit gagner sa croute sans plus trop y croire, faisant face à un réel bien trivial et incapable d'imaginer que ce texte mal ficelé qu'il a fait lire deviendra un livre de la N.R.F. Cette nouvelle exhumée est suivie d'une interview de Dabit où il raconte ses lectures, son parcours, agréable manière de faire connaissance avec lui malgré le ton empesé de ses réponses. On pourra compléter bientôt cette farandole avec la reparution prochaine d'Un mort tout neuf à l'enseigne de Sillage. Si cette actualité régulière ne devait avoir qu'une vertu, ce serait celle de pousser enfin un public un peu plus large dans les bras maigres et marquants d'Eugène Dabit.

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