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Les liens du sang 1

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 15/03/2016
    sandrine colletteNous suivons Sandrine Collette depuis son premier roman publié en 2013 : grâce à la révélation Des nœuds d'acier (qui redonnait vie à la collection "Sueurs froides" chez Denoël), elle avait fait une entrée fracassante dans le monde du polar et remporté le Grand prix de littérature policière en 2013. Invitée de notre matinale "Mollat polar" #5 en mars dernier à l'occasion de la parution de Six fourmis blanches (paru récemment au Livre de Poche) qui se situait dans les montagnes albanaises, elle nous avait confié travailler à son prochain roman encore différent, et qui se déroulerait plus loin. Avec Il reste la poussière, Sandrine Collette étonne et nous ravit, sachant réinventer son style à chaque livre et porte un regard sans concession sur la nature (in)humaine, à l'image de ces "terres brûlées par le vent et la sécheresse", théâtre d'un nouveau huis-clos à ciel ouvert.  

La steppe de la Patagonie argentine, un enfer sur terre

Dès le prologue, Sandrine Collette sait saisir son lecteur pour ne plus le lâcher, à l'instar du jeune Rafael, 4 ans, souffre-douleur de ses deux frères aînés, les jumeaux Mauro et Joaquin, qui n'hésitent pas à le ballotter, et l'entraîner par le col dans une course folle sur leurs chevaux. Quelques pages suffisent... Et nous voilà ferrés au sort de ce jeune garçon, malmenés avec lui, et espérons à ses côtés à des lendemains plus cléments. Leur mère, qui ne se fait pas appeler autrement que "la mère" ou "la vieille", ne compatit guère, maltraitant ses quatre garçons voués au travail harassant de la ferme dont la terre aride et le maigre troupeau de bêtes peinent à leur survie. Si le père est parti mystérieusement, la venue du petit dernier, "bête indésirable" a déclenché une malédiction qui ne semble avoir de fin :
"la mère est son avenir, l'estancia sa destinée et son tombeau.
Seule la présence muette et réconfortante de son cheval alezan Halley, et leurs déambulations sur la steppe infinie et brûlante, lui assure un peu de réconfort et d'espoir alors que les virées familiales à la ville proche San León et ses tentations vont précipiter l'inéluctable séparation du clan.  

Choral et haletant

L'originalité du roman réside notamment dans sa construction habile et dynamique puisque chaque chapitre fait entendre la voix d'un des personnages, plongeant le lecteur dans cinq monologues intérieurs différents (la mère, Mauro, Joaquin, Steban, Rafael) tout en faisant avancer son intrigue vers le drame qui se prépare et auquel nul ne s'attend, notamment sous les traits d'un vieux mourant qui prononce à l'adresse du "petit" un mot intrigant et inouï... Pourtant, nulle présence miraculeuse ne vient éclaircir le ciel de "ce pays de chagrin" mais les coups du sort (provoqués ou non) sur ces fils qui deviennent des hommes, à moins que la promesse faite à Rafael par le vieil homme ne soit qu'un nouveau poison, menace du pire à venir ? La folie et la mort rôdent, scellant dans le sang les destins qu'on pensait immuables.  

Un roman diablement mené !

A la fois western et roman des grands espaces, Il reste la poussière nous confirme la place de Sandrine Collette parmi les grands écrivains de noir. Plus proche des auteurs américains de "nature writing" qui l'ont inspirée comme elle le confie à notre caméra, ou de ses confrères français¹ qui savent depuis quelques années nous entraîner dans des contrées rurales hostiles, elle nous propose à chacun de ses quatre romans (Des noeuds d'acier, Un vent de cendres, Six fourmis blanches), un voyage unique où la lutte pour la survie semble l'enjeu principal. Là encore, elle pousse plus loin son ambition de dépeindre des personnages inoubliables (notamment la mère aussi monstrueuse que sacrée aux yeux de ses fils) aux prises avec une fatalité accablante mais tenaillés par "l'increvable espoir", à l'instar du lecteur qui n'est pas prêt d'oublier cette chevauchée endiablée.   https://youtu.be/xMdJdQwY9Ok  
  ¹ Ces auteurs français de polars qui nous amènent dans les grands espaces : - Ian Manook dans les steppes de Mongolie dans Yeruldelgger (Livre de Poche) et Les temps sauvages (Albin Michel ; à paraître le 30 mars au Livre de Poche) - Olivier Truc dans le pays Sames/Lapons : Le dernier lapon puis Le détroit du loup -  Caryl Férey et la cruelle Nouvelle-Zélande dans Haka et Utu (réunis dans la Saga Maorie, Folio policiers) ; L'Afrique du Sud dans Zulu ; L'argentine dans Mapuche ; bientôt le Chili dans Condor à paraître en Série Noire le 17 mars -  Colin Niel et sa trilogie en Amazonie française (Guyane) dans Les hamacs de carton, Ce qui reste en forêt (Babel noir) et Obia (Le Rouergue) - Stéphane Jolibert : récent coup de cœur de vos libraires polar nous amène dans le Grand Nord dans son premier roman, Dedans ce sont des loups (Le Masque), chronique polar à venir sur le blog "Ces mots-là, c'est Mollat"  !     Si vous avez  envie de parcourir la Patagonie :   Vous pouvez (re)lire le dossier Mollat consacré à la Patagonie lors d'une précédente exposition au Musée du Quai Branly : http://www.mollat.com/dossier/patagonie_images_du_bout_du_monde-50059856.html - quelques récits de voyage : - deux guides touristiques et un beau livre :  

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