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Libérez Barabbas!

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Une actualité de David V.
Publié le 09/05/2013

Anthony Quinn dans BarabbasHeureuse idée de la maison Stock de ressortir simultanément deux grands livres de son catalogue scandinave, un domaine dans lequel cette illustre maison (pensez : 300 ans cette année) fit des découvertes inestimables sous la direction d'André Bay. Et deux Prix Nobel, s'il vous plait, ce qui est de saison et nous rappelle, s'il en est besoin, qu'en plus d'attribuer des décorations qui font la gloire de leurs lauréats (et leur fortune aussi, le Nobel c'est quand même un million d'euro au moins), les Suédois possèdent une littérature puissante et méconnue, ce qui n'est pas un paradoxe. Voici donc, outre Sigrid Undset dont nous aurons peut-être l'occasion de reparler à propos d'Olaf Audunssœn, grande saga épuisée depuis des dizaines d'années,  à nouveau en lumière un roman de Pär Lagerkvist (Prix 1951) que le grand public a pu connaître grâce à Anthony Quinn, l'interprète inoubliable de ce Barabbas en cinémascope (de Richard Fleischer). On se souvient de l'histoire qui fit de cet homme, brigand sans foi, criminel, le coupable sauvé par Ponce Pilate à la place du Christ, et puis oublié par les Evangiles le laissant dans l'ombre maudite de son destin ignoré. Lagerkvist va choisir de le suivre, à partir du moment où celui-ci, sur le Golgotha, contemple dans ce lieu terrible où "tout était immonde, plein de souillures", ce sauveur torturé, ce prophète abandonné qui a dit mourir pour sauver les hommes quand se tient, au pied de sa croix, le seul à savoir sûrement que Jésus l'a sauvé. Le mystère de la foi va éblouir cette brute : il se mettra en quête, avec la faiblesse de ses moyens intellectuels, pour comprendre ou tenter d'entendre l'appel divin, franchissant une à une les étapes de sa propre ascension vers le même supplice, décidé à "remettre son âme" à des ténèbres qu'il espère habitées. Comme dans les deux autres chefs-d'œuvre de Pär Lagerkvist, Le Bourreau (1933) et Le Nain (1944), Barabbas est l'histoire du parcours d'un déclassé ou d'un maudit : tous sont des exclus prêts à tout subir pour accomplir une mission dont le sens leur échappe bien souvent. Chacun cherche son Dieu mais seul le silence résonne : car muet, Dieu se tait et laisse ses créatures se débattre avec des questions trop vastes pour elles, provoquant une violence incontrôlable. Méditation métaphysique qui ne cesse jamais d'être un roman, Barabbas possède une puissance qui n'est pas sans rappeler Dostoievski, l'écrivain préféré de Lagerkvist, une œuvre qui se teinte du passé luthérien de ce suédois élevé à la campagne par d'austères protestants, lecteur d'une Bible où se lit toute la cruauté, toute la souffrance et parfois toute l'absurdité de la condition humaine.

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