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Ma grand-mère est morte

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Une actualité de David V.
Publié le 22/11/2013

L'oeuvre de eu d'oeuvres de littérature en offrent. On a tort aussi. Proust, même en extraits, a une telle puissance d'envoûtement (ceux qui l'ont cru admettront que le mot n'est pas hyperbolique) qu'en lire quelques pages a des vertus reconnues pour la santé et l'équilibre mental et littéraire. On en jugera sans attendre avec le superbe petit livre que les éditions Cent Pages éditent en cette année du centenaire (on dit souvent superbe en parlant des livres de cet éditeur qui a choisi d'honorer la typographie et de soigner les mises en page à rebours de ce qui se fait de supposément chic ces temps-ci où la mode est aux livres chiadés envahis de paratexte boursouflé et pour tout dire parfaitement encombrant) : Mort de ma grand-mère appartient à la collection Cosaques qui rassemble sous un petit format des livres à glisser dans sa botte avant d'aller sabrer à tout va. Cent petites pages, à peine plus (cela en ferait moins de soixante en format poche) qui nous restituent l'un des plus fameux épisodes de la Recherche, la maladie et la disparition de l'aïeule aux prises avec les médecins (rappelons que Marcel est issu d'une famille de médecins et que son frère fut un ponte de son époque), les bons, les moins bons, les compatissants, et les autres, ces personnages de comédie que Molière a campé pour l'éternité (et son malheur définitif). Comme l'écrivait Bernard Frank dont est repris ici le texte malicieux et enthousiaste qu'il rédigea à son propos en 1992 (publié où, nous ne le saurons pas, c'est le charme de Cent Pages...) : "la maladie attire forcément le médecin comme la viande la mouche". C'est dit brutalement mais c'est parlant. Car avec Marcel il y a toujours ce mélange de cruauté, souvent très drôle (qui n'a pas ri avec Proust ne mérite plus de rire...), et de douleur, de justesse aiguë et d'abandon (comparer sa morte à une jeune fille couchée dans le marbre d'un tombeau du moyen âge). Fasciné par la mort qui rôde, le narrateur s'approche au plus près de sa sidération pour l'écriture, liant dans un même mouvement maladie et littérature (c'est là qu'il évoque son attrait pour Bergotte). Qu'on se souvienne aussi d'un livre oublié, Le roman du malade de Louis de Robert paru en 1911 (Prix Fémina de cette année) qui passionna notre auteur qui en louait l'économie et le détachement. Thème central de l'ensemble, le rapport au corps qui disparaît et la mémoire qui en pourchasse le souvenir se déploie extraordinairement dans ce passage. Une heure, vous passerez une heure avec Proust (et quelques minutes délicieuses avec le trop négligé Bernard Frank, postfacier de circonstance) et vous retrouverez des couleurs (tout en ayant un petit haut-le-coeur au milieu des nouveautés actuelles) et la certitude que lire de la littérature n'est pas qu'un simple passe-temps. On incitera donc avec ferveur les proustiens à acquérir ce bel objet, qui pourrait devenir une rareté, afin qu'il l'ait toujours à disposition dans leur poche intérieure, et ceux qui aspirent à découvrir le chef d'oeuvre absolu de la littérature française du XX° siècle qui auront ainsi en cent pages un extrait essentiel à humer avant de plonger dans le bouquet tout entier. Comme quoi les présents les plus gros ne sont pas toujours les meilleurs.

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