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Magistrale Juli Zeh

Juli ZehLe talent ne s'explique pas, il se constate. Il y a des auteurs, comme ça, qui font preuve d'une remarquable maturité et d'une maîtrise stylistique qui côtoient intimement le génie. On se souvient par exemple de la précocité d'un Arthur Rimbaud qui, à vingt ans à peine, a déjà exprimé, dans une langue qui apparaît encore aujourd'hui moderne, tous les tourments qu'il ressent dans "la nuit et le désert" qui l'entourent. Plus récemment, nous connaissons des auteurs comme Jonathan Safran Foer qui, à moins de trente ans, a su se forger une solide réputation d'auteur extrêmement inventif et incroyablement talentueux. Aujourd'hui, nous nous devons d'ajouter à cette liste de romanciers qui, à peine nés, sont déjà cultes, l'écrivain allemande Juli Zeh.

Née à Bonn en 1974, Juli Zeh est avocate de droit international et diplômée de littérature. Dès son premier roman L'aigle et l'ange, publié en 2001, elle s'impose sur la jeune scène littéraire allemande et suscite l'enthousiasme des journalistes qui se l'arrachent. Depuis, elle intervient régulièrement dans le débat public au sujet des pays qui sont passés sous domination étrangère, au risque d'irriter ses compatriotes allemands, assez frileux sur les questions internationales.

La fille sans qualités, son deuxième roman qui vient de paraître en Babel, se révèle un véritable choc littéraire. Choc au niveau des évènements survenant dans la vie de la jeune Ada, le personnage principal, mais aussi choc au niveau de l'audace démoniaque avec laquelle elle s'engouffre dans de somptueuses digressions philosophiques digne d'un Train de nuit pour Lisbonne de Pascal Mercier, auteur suisse écrivant aussi en allemand (tiens tiens...).

Ada est une jeune fille d'une très grande maturité et d'une intelligence infernale. Pourvue d'une très grande beauté, elle revendique un profond mépris pour la superficialité de ses camarades de classe et fait preuve d'une indifférence éthique qui l'attire tout naturellement vers le nihilisme. La rencontre avec Alev, dix-huit ans, va marquer un tournant dans la vie de la jeune Ada. S'autoproclamant "arrière-petit-fils de Nietzsche", impuissant avéré et fin manipulateur, le jeune homme va initier Ada à la seule chose qui lui semble importante à ses yeux, l'instinct du jeu (qui donne par ailleurs son titre en allemand "Spieltrieb"). Avec un compagnon de jeu aussi particulier, on se doute bien que l'on sera loin d'un simple jeu d'enfant...

Quant au titre retenu pour la traduction française, le lecteur aura raison de reconnaître un clin d'oeil appuyé au chef-d'oeuvre de Musil, L'homme sans qualités, puisque c'est le roman que fait étudier le professeur d'Ada à ses élèves et que Juli Zeh avoue une véritable vénération pour l'écrivain autrichien. On peut ajouter sans sourciller que ce roman de Juli Zeh en a la profondeur et la densité et que le même sentiment de chef-d'oeuvre immortel demeure à la lecture de ce roman qui a très justement reçu cette année le Prix Cévennes du Roman Européen.

Pour ceux qui ne ressortiront pas trop essoufflés de ces 650 pages, Actes Sud vient de faire paraître, du même auteur, La fille sans qualités

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