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Merci pour le chocolat (amer)

On tergiverse pendant des heures, on soupèse les pour, on soulève les contre. On voudrait presque garder ce secret-là pour soi, tant il relève de l’intime, que par ailleurs il pourrait se révéler dangereux. On imagine déjà les guerres faites pour s’en emparer, être le seul à l’avoir, et les forêts détruites pour satisfaire une monstrueuse exigence de pâte à papier. On se voit riche, croulant sous des montagnes d’or, après l’avoir chèrement monnayé.

Et puis non, on a le cœur généreux, et l’on se dit qu’on exagère sur l’avenir du monde.

On entrouvre nos lèvres, qui bientôt s’élargissent pour annoncer avec ferveur :

on a trouvé la recette du bonheur !

Dans ce roman génial qu’est Chocolat Amer de Laura Esquivel, il y a quelque chose du nectar, du bain de jouvence, du philtre de félicité. C’est une histoire d’amour, de celles que l’Amérique latine sait parfois nous conter, avec ce qu’il faut de barrières à l’union des amants, de soleil écrasant, de poussière, de fantômes, d’impossible résignation, de magie qu’on transmet à l’oreille des enfants.

Dans le Mexique de 1900, Tita et Pedro dont l’espoir de mariage est nul, pour cause de tradition familiale, n’auront de cesse de s’aimer toute leur vie durant. Ils auront bien des peines, tellement de frustrations, mais resteront vivants dans l’espoir que peut-être, un jour, ou cet autre, ou bien celui d’après… Il se trouve heureusement, pour pallier cette détresse quotidienne, que Tita, femme de caractère dans une enveloppe de fée, tient dans ses doigts agiles une baguette culinaire.

Comme aucun autre, elle sait pétrir la pâte, casser les centaines d’œufs d’un Gâteau Chabela, nous préparer un chorizo du nord, des cailles aux pétales de roses. Elle met tellement de sa personne dans la marmite ou la passoire que, voyez-vous, ses plats ont même quelques pouvoirs… Réveillant les passions, attisant la colère, rappelant leur passé aux convives réunis, la cuisine de Tita changera le cours des choses pour en venir peut-être, un jour, ou cet autre, ou bien celui d’après…

De telles recettes, on aimerait tous les connaître en détail : eh bien, sachons d’avance qu’elles nous sont délivrées, une pour chaque chapitre de l’histoire, en alternance avec le récit, faisant judicieusement son parallèle. De là à les réaliser, vous constaterez que la popote magique nécessite une certaine expérience, mais cela est bien loin d’être grave tant, déjà, elle procure à la voir énoncée un plaisir sans pareil pour les yeux….

Pour résumer, nous sommes enveloppés tout le long du récit par des vapeurs gourmandes de confiture, de bouillon ; aspirés dans l’histoire par la présence jubilatoire de toute une armada de personnages hauts en couleurs ; expatriés loin de chez nous, dans un Mexique qu’on voit si bien se dessiner, et dans lequel il nous plairait de vivre encore et encore quelque aventure de ce genre. Pour résumer, on a le cœur tout chamallow en terminant cette lecture, on est heureux, on a bien ri, bien soupiré, bien voyagé. On a envie de saluer tout le monde, lancer des je t’aime à la ronde. Mais ne paniquez pas, chers visiteurs du rayon poche de chez Mollat, on devrait tout de même pouvoir se retenir de vous embrasser sans prévenir et sans raison vraiment valable quand vous passerez nous voir…

Bons baisers de Camille

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