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Mort, où est ta victoire ?

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Une actualité de David V.
Publié le 30/08/2013

Vanité par Philippe de ChampaigneLes délicates et intelligentes éditions du Sonneur ont eu l'excellente idée de border de noir un des petits livres de leur collection pour nous faire part de leur joie d'avoir redécouvert un lugubre petit trésor naturaliste signé du maître du genre Zola. Soixante-quinze pages lues d'un souffle, comme si c'était le dernier, cinq histoires édifiantes de mort, la mort simple et nue de ceux qui n'ont rien, la mort plus tourmentée de ceux qui laissent derrière eux une famille et surtout un pécule ou une situation. Nous sommes bien entendu avec ce vieil Emile dans la caricature la plus féroce mais son talent est de réussir à la transcender pour faire de ces modèles universels des cas singuliers, nous démontrant que jusque dans la terre la société divise les hommes et les condamne à l'injustice. Inégaux dans la mort ? Sans doute mais rassemblés dans l'oubli qui recouvre chaque trépassé. Seule consolation, on ne laisse pas grand chose derrière soi, à peine quelques regrets, dissipés dans le mauvais vin pour les plus pauvres, devant le notaire pour les plus avares ou la boutique fermée "pour cause de décès"... Zola n'a guère confiance en l'éternité où le sarcasme n'a pas sa place, il n'a pas plus confiance dans l'humanité où la compassion paraît bien mince et fragile : il voit seulement des créatures s'agiter vainement devant le spectre qui nous attend et repartir de plus belle dans une ronde qu'on trouve soudain bien dérisoire. Mais l'exercice est profitable qui nous rappelle que, s'il fallait résumer quelqu'un à ses derniers instants, on s'épargnerait bien de vaines réflexions. Il n'y a cependant pas chez notre pape naturaliste de volonté de faire sourire, ce n'est pas Jules Renard qui nous semble avoir mieux vieilli de ce côté-là. Plus démonstratif, plus sourd à l'ironie, il dépeint avec méticulosité mais sans trop forcer le trait des saynètes éclairées par la grise lumière de l'agonie. Comment on meurt a le mérite de se glisser dans toutes les poches, les profondes où on l'oubliera pour tomber dessus un jour de grand soleil en souriant de ce hasard, les étroites où ses angles se rappelleront à nous au moment de traverser la rue en dehors des clous. Dans un temps où la mort violente est partout présente mais où le corps des défunts est vite escamoté (on peut avoir aujourd'hui quarante ans et n'avoir jamais vu de cadavre, ce qui paraît inimaginable au XIX° siècle), ce musée miniature aura le singulier mérite de nous forcer à regarder dans une direction que nous suivons tous, pas à pas certes, mais sûrement.

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