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Nom d'un chien

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Une actualité de David V.
Publié le 09/05/2013

La vieille tradition scandinavophile de Gallimard se perpétue année après année avec la découverte d'auteurs qui souffrent habituellement d'une réputation d'austérité plutôt handicapante, comme s'il fallait dans l'imaginaire français qu'un auteur suédois ou norvégien fût nécessairement torturé par un quiétisme terrible ou détruit par une dépression qu'un climat difficile entretient (et puis Bergman a fait de terribles dégâts et ce d'autant plus qu'il était, aussi, un remarquable écrivain). Bref, l'intériorité septentrionale jointe à l'hérédité des enfants de Strindberg, fantasme persistant chez nous, cantonnent de grands auteurs à un public restreint, et c'est grande joie quand on en tient un que l'on peut taxer de drôle, de loufoque ou d'exubérant. Quoique... Quand débute Tête de chien, le récit du drame atroce qu'a subi pendant la guerre le grand-père du narrateur nous assomme sans ménagement : évadé d'un camp nazi avec un camarade, rattrapé par deux soldats, on lui a offert, ignoblement, de sauver sa vie en prenant celle de son compagnon, à coups de poings. Survivre à l'horreur, redevenir quelqu'un, fonder une famille, croître et multiplier malgré ce cauchemar de toutes les nuits, c'est donc le point de départ de ce roman familial que reconstitue le plus jeune : il tente de comprendre pourquoi son clan est aussi compliqué, pourquoi il n'est jamais parvenu à se fixer sans céder au vertige de la fuite. Naissances, éducations, disparitions, départs, tous les aléas de la vie d'une famille nous sont contés avec une verve et une truculence inventives qui n'estompent jamais l'inquiétude et la peur. C'est elle qui taraude ce groupe et que l'on combat avec des moyens dérisoires, comme cette grand-mère qui reçoit des boîtes contenant de l'air de Bergen, sa ville natale, comme le grand-père qui ne peut plus se résoudre à construire des bateaux qui flottent et voue son oeuvre à un cubisme hermétique (en tout cas dans les chantiers navals où il opère...), comme ce fils qui accumule un trésor que son aïeul dilapide en une soirée. On aurait envie de se livrer au péché de raconter, tentation très forte car le roman de Morten Ramsland fourmille d'histoires dans l'histoire, entrelacs et détours qui ont le don de nous emprisonner. Et c'est le propre des sagas dites "familiales" (je vous vois frémir) de nous faire tourner les pages d'un livre qu'on redoute d'interrompre. Signalons enfin qu'une fois encore Alain Gnaedig, le traducteur, fait preuve d'un brio qui est pour beaucoup dans le bonheur que l'on prend à lire ce livre.

Morten Ramsland

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