Chargement...
Chargement...


Petites filles au bout du chemin

11460_petites-filles-au-bout-du-chemin
Une actualité de Véronique D.
Publié le 14/05/2014

lafon2Peut-être n’est-ce pas par le début qu’il faudrait parler de Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce. A moins de considérer que ce titre magnétique (emprunté à Voltairine de Cleyre) n’en soit la première phrase qui vous rende captif. Plutôt dire d’abord la ferveur, les vibrations, les émotions, les respirations de ce roman qui vous happe. Donner à voir et à entendre ces trois filles qui vont faire battre le cœur du lecteur un peu plus vite, un peu plus fort. Comment les mots s’organisent pour mieux traquer la vérité des êtres et les faire tendre vers une liberté tant convoitée. Vitale.

Dans son troisième roman où résonnent les échos des écrits précédents, Lola Lafon écrit sa partition avec précision. Comme une valse à trois temps qui finirait dans un tourbillon tel qu’elle vous ferait chavirer.

Le premier temps est celui de l’inquiétude, de l’amitié et du souvenir.  Emilienne (dite Emile), l'amie presque soeur de la narratrice est plongée dans un coma artificiel depuis que son cœur s'est arrêté sans raison, trop longtemps. Il faut au personnel soignant des mots-clefs pour l'attirer vers la vie si jamais elle venait à se réveiller. L'amie fidèle réfléchit, ordonne leurs souvenirs, leurs moments phares, fragments d'une amitié entre deux jeunes femmes liées par un secret sur lequel elles ont choisit de mettre des mots pour ne pas en rester les victimes, une amitié construite "à rebours", de la gravité " aux joyeuses futilités des amitiés naissantes".

Le deuxième temps est celui de l’attente et de la rencontre entre cette danseuse qui ne danse plus mais reste fascinée par cet art  du mouvement et du souffle et celle qu'avec Emile elle avait surnommée "la petite fille au bout du chemin", fille étrange aperçue mille fois à la Cinémathèque. Une rencontre comme un nouveau départ, une envie d'aller au bout, d'affronter les questions laissées au fond des poches et de les poser à la face du monde. La narratrice y gagnera son surnom de Voltairine, le goût de l'imprévu, du rêve et de la révolte, nourrie des textes de "la petite fille" graphomane, dont les textes s'imprègnent des révoltes de Violette Leduc, de Sylvia Plath ou de Lautréamont. Des textes au parfum d'anarchie qui vont insuffler une nouvelle vie à ces filles cabossées et meurtries.

Le troisième temps est leur mouvement à toutes les trois dans une société répressive jusqu’à la nausée mais que les chœurs des manifestants indignés ne parviennent pas à égratigner avec leurs "slogans comme des simulacres de menace ou de combats". Il va leur falloir aller plus loin, contre les "surveillants de la Norme" et oser oublier le souvenir des cordes qui ont tenté de les maîtriser, de les maintenir en cage.

Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce mêle sans cesse  l'intime à l'universel, et les oiseaux-filles de Lola Lafon s'ébattent, libres, blessées et frondeuses, fortes de savoir à la fois faire taire certaines de leurs douleurs mais aussi de savoir les mettre en mots. "Qu'est-ce qu'on fait là ? Qu'est-ce qu'on fait, là ? Elles nous questionnent, nous enthousiasment, nous émeuvent aux larmes et nous accompagnent, jusqu’au bout du chemin. Au plus loin.

Bibliographie

Abonnement

Derniers articles du blog "Ces mots-là, c'est Mollat" envoyés chaque semaine par mail