Savez-vous qu'il existe une Déclaration d'indépendance du cyber-espace ? Rédigée en 1996 lors du Forum économique mondial à Davos, en Suisse, qui réunit chefs d'États et de gouvernements, hommes d'affaires, c'est la réunion annuelle des plus grands puissances mondiales. Davos, vous en avez entendu parlé ces derniers jours car c'est là où Winnie Byanima présidente de l'association internationale Oxfam a lancé cette bombe : les 26 plus riches du monde possèdent autant que la moitié de l'humanité la plus pauvre. Et en 2018, ils ont gagné 900 milliards de dollars de plus qu'en 2017.
Bref, c'est à Davos que s'est écrite la Déclaration d'indépendance du cyber-espace, mais elle n'a pas été écrite par un ministre ni par un PDG. Elle a été écrite par John Perry Barlow, parolier du groupe de rock Grateful Dead reconverti en cow-boy, invité au forum en 1996, année où Bill Clinton fit passer au Sénat la Telecoms Reform Act. C’est en réaction à ce forum et à cette réforme que John Perry Barlow rédigea la déclaration d’indépendance du cyber-espace, voici pourquoi :
« Après tout, le Telecom « Reform » Act, qui est passé au Sénat avec seulement 4 votes contre, rend illégal, et punissable d’une amende de 250 000 dollars, de dire « shit » en ligne. Comme de dire l’un des 7 mots interdits dans les médias de diffusion grand public. Ou de discuter l’avortement d’une façon ouverte. »
En 1996, Aaron Swartz a 10 ans, il vit avec ses deux frères et ses parents à Chicago. Enfant précoce au QI hors-norme, Aaron a appris le code html avec son père. Aaron dévore les livres, se passionne pour Internet et commence à imaginer une encyclopédie mondiale rédigée par des internautes, gratuite et accessible à tous, qu’il baptise The Info Network. Mais c’est Richard Stallman et Robert McHenry qui créeront Wikipedia en 2001.
Aaron a un héros : Tim Berners-Lee informaticien anglais qui créa pendant sa mission au CERN le World Wild Web en 1993. En 1994, Tim Berners-Lee rejoins le MIT. En 2000 Aaron remporte l’ArsDigitaPrize qui récompense des jeunes ayant crée des sites non commerciaux et est invité au MIT. Il y rencontre Larry Lessig, prestigieux juriste spécialiste du droit constitutionnel et de la propriété intellectuelle. Tous les deux fervents militants de la liberté d'Internet, ils vont créer les licences Creative Commons. Ces licences ont pour « finalité de proposer une solution alternative légale aux personnes souhaitant libérer leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle ». Le site Wikipedia est sous licence Creative Commons.
Aaron participa également au développement du flux RSS : en vous abonnant au flux RSS d’un site (par exemple celui du Monde), vous recevrez toutes ses mises à jour. Ce flux aide le citoyen a choisir ses sources d’informations, qu’il personnalise selon ses opinions, et lui permet de resté informé.
Si Aaron côtoie les plus brillants esprits de son époque, dont il fait désormais partie, il n’aura cependant jamais aucun diplôme. Aaron est hors-catégorie, l’université est une perte de temps quand on peut apprendre seul. Aaron Swartz est un militant de l’Internet libre, d’internet comme bien commun de l’humanité, où nations et entreprises n’ont pas le pouvoir sur les citoyens. A 21 ans, il signe un billet intitulé "Manifeste de la guerilla pour le libre accès".
Aaron croit au progrès au service de chacun, Aaron veut changer le monde.
En 2011, sous la présidence d'Obama, Aaron pirata des millions de pages de documents scientifiques du MIT -Massachusets Institute of Technolgy, par ailleurs en accès libre sur Internet, mais seulement par « paquets » de 10, mais protégées par le droit d'auteur. Arrêté, mis en examen pour 13 chefs d’accusation par la procureur Carmen Ortiz, Aaron a le choix entre 35 ans de prison et un million de dollars d’amende ou, s’il plaide coupable, 3 ans de prison et déchéance de ses droits civiques.
Aaron ne choisira pas. Il se pend en 2013 dans son appartement de Brooklyn.
Flore Vasseur signe une enquête passionnée et passionnante, qui vous en dira bien plus long que ces quelques lignes. Elle a rencontré les parents d'Aaron, et beaucoup de ceux qui l'ont connu.
Elle a réalisé à Moscou en 2017 un documentaire où se rencontrent Edward Snowden lanceur d’alerte exilé à Moscou, Larry Lessig ami d’Aaron et juriste spécialisé de la propriété intellectuelle, ainsi que Birgitta Jonsdottir figure de proue du parti pirate islandais. Dans le documentaire, Snowden lance : « Une poète, un avocat et un geek entrent dans un bar et se disent : pourquoi continuer à croire en la démocratie ? »
Que reste-t-il de nos rêves explore cette énigme : pourquoi la démocratie fait-elle peur ?
A lire de toute urgence !
Autres sources pour mieux comprendre :
- Écoutez sur France Culture Flore Vasseur et Alexandre Dimos, éditeur aux éditions B42 qui ont traduit et publié les écrits d'Aaron Swartz Celui qui pourrait changer le monde
- Écoutez Flore Vasseur dans Le club de la tête au Carré du 18 janvier sur France Inter (41'20)
- Regardez le documentaire The internet'sown boy, un documentaire gratuit et en libre accès sur Aaron Swartz
- Vous pouvez lire également d'autres informations grâce à cet article de Telerama signé Emmanuel Tellier : https://www.telerama.fr/medias/aaron-swartz-sur-les-traces-d-une-etoile-filante-du-net,95428.php