Chargement...
Chargement...


Quand Modiano rimait avec Bordeaux

12717_quand-modiano-rimait-avec-bordeaux
Une actualité de David V.
Publié le 09/10/2014
modianoLes connaisseurs de l'oeuvre de Patrick Modiano n'ont pas été étonnés de trouver l'extrait d'une de ses oeuvres dans le recueil que la librairie avait édité en collaboration avec Gallimard : Un siècle d'écrivains nrf à Bordeaux. Il s'agissait, pour célébrer le centenaire de la prestigieuse maison sise rue Sébastien-Bottin (désormais rue Gaston-Gallimard), de récolter quelques textes d'écrivains ayant vécu ou grandi à Bordeaux ou simplement traversé la ville pour en faire ensuite le décor d'un de leurs textes. Nous avions ainsi proposé des passages de Jacques Réda, Marie NDiaye, Jean-Marie Laclavetine ou Eric Fottorino. Et donc aussi un moment de La Place de l'Etoile, son premier roman paru en 1968. Voilà ce que nous écrivions alors de l'auteur : "De son vrai nom Jean Patrick, Modiano est l'un des plus célèbres auteurs vivants. Né à Boulogne-Billancourt en 1945, d'un père juif italien et d'une mère flamande, il poursuit depuis 1968 et son premier roman une oeuvre où la recherche des origines et le travail mémoriel occupent une place majeure. Entré chez Gallimard sous le patronage de Raymond Queneau, il sera fidèle presque toute sa carrière à cet éditeur avec qui il obtiendra le prix Goncourt pour Rue des boutiques obscures en 1978. Si Paris est un décor fréquent pour l'auteur, Bordeaux occupe une place singulière dans le tout début de son oeuvre puisque d'impressionnantes scènes de son premier roman s'y déroulent, le héros y séjournant pour ses études en khâgne et faisant la connaissance d'un professeur de lettres honni de ses élèves. Livre halluciné, il signait de manière marquante l'entrée d'un auteur majeur qui lui vaudra un jour, à coup sûr le Nobel." Bien entendu le dernier morceau de phrase est apocryphe... même si le nom de l'auteur se murmurait depuis de nombreuses années comme un client sérieux à cette récompense enviée. Le Bordeaux qu'évoquait le désormais Nobel ne ressemble pas à la ville blanche qu'elle est devenue depuis dix ans. C'est un territoire un peu inquiétant, au milieu de la guerre, une cité dont on rêve de s'extraire même si le narrateur "comptait sur Bordeaux pour (lui) révéler les valeurs authentiques" : tout jeune, il se voit en étudiant et imagine sa vie future. "Un après-midi, nous frapperons le coeur battant à la porte de Gaston Gallimard (...) Ensuite le Collège de France, la politique, les honneurs (...) Notre cerveau fonctionnera à Paris mais notre coeur demeurera en province."...) Nos soeurs se marieront avec (...) des assureurs de Bordeaux." Ville onirique et brouillée, elle sert de théâtre aux fantasmes d'un garçon qui ose imaginer un futur en des temps où on s'accroche au présent, où le monde grouille de dangers. Significativement l'extrait s'achève, durement, sur une scène qui voit le père et le fils ensemble, première apparition du thème de la filiation. Des voitures sillonnent la ville en crachant dans leurs haut-parleurs "Campagne de dératisation, campagne de dératisation...". Et Modiano d'écrire : "Nous marchons, mon père et moi, dans les rues de la ville. Les voitures débouchent de tous les côtés et se précipitent sur nous avec un bruit de sirènes. Nous nous cachons sous des portes cochères. Nous étions d'énormes rats d'Amérique." Tout l'auteur est là, dans ces phrases sèches qui claquent et inquiètent, dans cette image saisissante d'hommes faits comme des bêtes, dans cette vision d'hommes traqués. C'est un auteur inquiet que vient de couronner l'Académie Suédoise, ce n'est pas la moindre de ses qualités. un siècle nrf

Bibliographie

Abonnement

Derniers articles du blog "Ces mots-là, c'est Mollat" envoyés chaque semaine par mail