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"Il doit y avoir quelque chose d'immense qui nous échappe"

André Breton
Une actualité de Marion L.
Publié le 05/11/2016
Aujourd'hui, j'ai très envie de vous parler d'André Breton. Parce que 2016 marque les 120 ans de sa naissance mais aussi les 50 ans de sa mort. Mais, pour être parfaitement honnête, j'ai très envie de vous parler d'André Breton pour une autre raison.
Après des années à lire, relire, affronter, éprouver ses textes, je trouve dans cet anniversaire le courage de mettre les mots sur ce qui me touche au plus près dans son œuvre - et, vous le savez comme moi, c'est toujours difficile de parler de ce(ux) qu'on aime.

Je ne vais pas vous parler de l'homme ou vous énoncer les raisons pour lesquelles André Breton est considéré comme un des écrivains majeurs de son temps. Je laisse à d'autres, bien plus talentueux que moi, l'exercice d'exégèse. Je vais plutôt, égoïstement, vous parler de moi et vous dire à quel point la vie est belle avec André Breton et que, rien que d'y penser, ça me donne des frissons dans le cœur.

Ici, pour vous, mon cri d'amour à André Breton.


Dans ma vie, il y a Nadja. Une vieille édition toute jaunie, qui sent la poussière. À laquelle on s'attache puis on s'accroche parce que ça devient important. Parce qu'à ce moment précis, ça aide à oublier les draps qui sentent le chlore, le balai des infirmières, le corps qui ne répond plus ; ça empêche de se mettre à crier très fort entre les quatre murs blancs d'une chambre aseptisée.

Dans ma vie, il y a Clair de terre que j'ai rencontrée un jour, les yeux ronds, alors que j'étais prête à arrêter mes études, étouffée par des livres qui ne me faisaient plus vibrer. Clair de terre, l’œuvre à laquelle on ne comprend rien. Et qu'il ne faut surtout pas chercher à comprendre. Et qui m'a envahi. Parce que ça explose, puis ça dégouline. C'est difforme. C'est électrique. Ça crisse, ça cogne. J'ouvre Clair de terre, et soudain, si vous saviez comme je me sens libre.

Dans ma vie, il y a les Lettres à Aube qui m'ont suivies lorsqu'un jour j'ai pris la route en direction de Saint-Cirq Lapopie à la rencontre de ceux qui aujourd'hui continuent de faire vivre la maison d'André Breton, avec un collègue amusé de mon état second et de mon sourire idiot - mais à qui je ne pouvais pas en vouloir, il avait raison. Ces lettres, souvent envoyées depuis la maison, je les ai relues ce jour-là, assise sur un banc, avec en face de moi tout le village qui se déploie dans la lumière chancelante d'une journée qui s'en finit plus de mourir et là, j'ai mis une image sur chaque mot, sur chaque scène.

Dans ma vie, il y a Les Champs magnétiques, dont la lecture à voix haute, à des heures tardives, faisait naître le jour en pleine nuit. Une première fois, dans ma chambre d'étudiante, en tailleur sur la moquette. Puis, encore et encore, des années plus tard ; allongée sur le parquet, le livre au dessus de la tête ; assise dans la baignoire parce que ça résonne bien dans la salle de bains ; debout sur le canapé du salon, quand le vin a été bon. Et les amis qui sont présents, qui d'abord avaient ri, comprennent que Les Champs magnétiques, ça tord le ventre, ça rend sourd, ivre, que ça va très vite devenir plus sérieux, que ça va monter en puissance, qu'on va tous devenir fous.

Dans ma vie, il y a Arcane 17, l’œuvre à cause de laquelle un matin, parce qu'elle s'était offerte à moi la veille chez un bouquiniste, je suis arrivée en retard au travail. Parce que ce matin-là, le temps avait continué sans moi. Parce que j'étais fascinée. Et qu'à la dernière page tournée, c'est une chemise qu'on boutonne de travers et la course en plein cœur des rues et de la réalité, c'est moi qui ris seule, un peu bête, en me disant que mon excuse consiste à dire que je suis en retard à cause d'André Breton.

Dans ma vie, surtout, il y a L'Amour fou, cette œuvre qui me hante depuis la toute première fois où j'en ai fait la connaissance. Si importante qu'elle en est devenue essentielle. Celle que j'ai le plus ouverte dans ma vie, que je relis, fragment après fragment, mois après mois. Tout le temps. Tout le temps. Celle dont je n'arriverais pas à vous parler. Celle qui a son étagère réservée dans la bibliothèque. Et qui me fixe.

Dans ma vie, il y a André Breton. Arrivé par hasard, jamais parti. Toujours un clin d’œil complice à mon égard qui m'encourage à assumer mes désirs et mes contradictions.

Dans ma vie, il y a la littérature. Et c'est très beau.

Il y a beaucoup d'amour et de liberté.

Dans la vôtre aussi.

Je vous le souhaite.

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