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Qui êtes-vous, Viviane Elisabeth Fauville ?

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 29/05/2013

"Vous êtes Viviane Elisabeth Fauville, épouse Hermant. Vous avez quarante-deux ans et, le 23 août, vous avez donné naissance à votre premier enfant, qui restera sans doute l'unique. [...]

Votre mari, Julien Antoine Hermant, ingénieur des Ponts et Chaussées, est né il y a quarante-trois ans à Nevers. Le 30 septembre, il a mis fin à deux ans d'horreur conjugale. [...]

Vous avez déménagé le 15 octobre, trouvé une nourrice, prolongé votre congé maternité pour raison de santé et, le lundi 16 novembre, c'est-à-dire hier, vous avez tué votre psychanalyste. Vous ne l'avez pas tué symboliquement, ainsi qu'on en vient parfois à tuer le père. Vous l'avez tué avec un couteau de marque Henckels Zwilling, gamme Twin Profestion, modèle Santoku. "Le tranchant de la lame, d'une géométrie unique, offre une stabilité optimale et permet une coupe aisée", précisait la brochure que vous étudiiez aux Galeries Lafyette tandis que votre mère sortait son chéquier ."

S'il n'est pas facile de rendre compte d'un tel premier roman avant d'entendre l'écrivain en parler ou que les lecteurs et les critiques s'en emparent, nous pressentons un engouement certain autour de cette parution de la rentrée littéraire, le 6 septembre prochain. Publié sous la bannière des éditions de Minuit qui offre régulièrement le privilège à certains nouveaux talents d'être ainsi repérés puis suivis (nous pensons notamment à Bertrand de la Peine en 2009 ou encore à Vincent Almendros en 2011),  ce récit sait intriguer dès le titre, l'épigraphe à L'Innommable de Samuel Beckett, puis la première page. Tour à tour "vous" dans les deux premiers chapitres, passant au pronom "elle" ou encore au "nous", l'écriture sinueuse de Julia Deck multiplie avec beaucoup d'habileté les points de vue sur cette Viviane Elisabeth Fauville, contribuant autant à densifier qu'à fragmenter son identité démultipliée, l'onomastique jouant ici un rôle majeur qui redouble le brouillage identitaire, forçant l'admiration.  « Où maintenant ? Quand maintenant ? Qui maintenant ? Dire je. Sans le penser. Appeler ça des questions, des hypothèses. Aller de l'avant, appeler ça aller, appeler ça de l'avant. » disait le narrateur beckettien dans l'incipit de cet Innommable cité en hommage. Un autre incipit non moins fameux publié en 1957 chez Minuit, à savoir La Modification de Michel Butor prend à témoin le lecteur avec l'usage du "vous" qui peut désigner autant le personnage que le lecteur. Ce "vous êtes Elisabeth Fauville" happe, ensorcèle sans laisser le moindre répit jusque dans les méandres de la conscience instable de ce personnage qui (s') échappe en je(ux) de pistes, demeure insaisissable à l'image du meurtre de son psychanalyste : l'a-t-elle vraiment tué ? l'a-t-elle seulement fantasmé ? est-elle folle ? Ce trouble nourrissant déjà bien les conversations entre les libraires qui ont eu l'honneur de découvrir en avant-première ce roman, est peut-être figuré par le "trou" des premières pages où s'engloutit la mémoire de Viviane Elisabeth qui tentera de combler ses lacunes en traquant elle-même les potentiels meurtriers. Non sans ironie ni humour comme pour nourrir cet art du décalage oscillant entre drame et comédie (désirer tuer son psychanalyste : un cliché ?), ce point "flou" ouvre le récit, le ponctue à plusieurs reprises et le referme, laissant chacun si fasciné qu'il ne reste plus qu'à en reprendre la lecture. Vous pouvez également écouter Julia Deck qui offre ici sa première interview vidéo en attendant sa venue d'ores et déjà prévue dans nos murs le mardi 9 octobre, laissant pour l'instant le mystère se refermer délicieusement sur nous, c'est-à-dire vous, Viviane Elisabeth Fauville...

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=0pzSCqNbb2Q[/youtube]

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