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Rencontre avec Francis Orme

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Une actualité de Fleur Cattiaux
Publié le 25/03/2016

"Je portais des gants blancs. Je vivais avec mon père et ma mère. Je n'étais pas un petit garçon. J'avais trente-sept ans. Ma lèvre inférieure était enflée. Je portais des gants blancs, pourtant je n'étais pas majordome. Je ne jouais pas dans une fanfare. Je n'étais pas maître d'hôtel. Je n'étais pas magicien. J'étais le gardien d'un musée. Un musée d'objets précieux. Je portais des gants blancs pour ne salir aucun des neuf cent trente-six objets de ma collection. Je portais des gants blancs pour ne pas avoir à poser les yeux sur mes mains." Avec Edward Carey, l'immersion est immédiate. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, cet écrivain à l'imagination débridée nous plonge dans la tête de Francis Orme, étrange héritier et gardien d'un lieu que le temps refuse de laisser indemne. En effet, si le Domaine de Tearsham était jadis une immense propriété idéalement situé dans la campagne britannique, son espace vital a peu à peu été grignoté par la ville la plus proche, de sorte qu'à l'heure actuelle, ce lieu désormais baptisé le Manoir de l'Observatoire n'est plus réduit qu'à une triste bâtisse divisée en appartements. L'âge d'or des Orme appartient définitivement au passé. Le dernier rejeton de cette illustre famille sert alors de guide au lecteur. Professionnel de l'immobilisme (intérieur et extérieur, c'est important...), notre homme, qui pourrait rivaliser de ruse, de laideur et de cruauté avec le célèbre Nain de Lagerkvist, affiche un certain nombre d'excentricités. Outre son obsession pour la propreté de ses mains, qui a donné lieu très tôt à un code des plus stricts l'obligeant à porter en toutes circonstances des gants d'une blancheur immaculée, il fait montre d'une cleptomanie ciblée visant à alimenter une collection d'objets disparates dont le seul point commun est d'avoir été "chéris par leur propriétaire plus que tout autre objet en sa possession", d'être "uniques et irremplaçables". Mais si vous croyez que le dernier des Orme est l'échantillon le plus désopilant de cette galerie de personnages, vous n'êtes pas au bout de vos surprises ! Que dire de Madame Higg, qui s'est retirée du monde pour ne vivre sa vie que par procuration, grâce au flot de séries télévisées qui se déverse de façon ininterrompue sur son petit écran ? Que penser de Peter Bugg qui sue tellement qu'il semble littéralement pleurer de tout son corps ? Quels secrets dissimule ce portier qui ne s'exprime que par chuintements ? Et surtout, que lire à travers les grosses lunettes d'Anna Tap, la dernière arrivée dans cette ménagerie qui n'a décidément rien à envier à un asile de fous ?...

Aujourd'hui réédité dans la collection de poche de Phébus, L'Observatoire est un livre loufoque, inventif et extrêmement original, bref, un livre comme on n'en a jamais lu. Entre la créativité de son auteur et le talent de son traducteur, ce roman, qui devrait notamment ravir les lecteurs d'Eric Chevillard et Bernard Quiriny, promet de vous embarquer dans un univers à la fois magique et inoubliable.

F.A.

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