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Réparer un oubli

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Une actualité de David V.
Publié le 09/05/2013

franceschini3.jpgAlors que nous commençons déjà à faire le point sur cette année dont la fin approche à grande vitesse et forte agitation, nous demandant entre nous quels sont les livres qui nous ont le plus marqués, dressant entre deux clients un inventaire de nos découvertes, de nos joies, nous interrogeant sur la postérité d'un livre aimé qui, peut-être, ne parviendra pas à devenir un livre de fonds, évaluant de façon carrément subjective l'importance du cru, le niveau de la crue (parfois l'impression que chaque année le nombre de nouveautés augmente, qu'un trait un peu plus élevé sera gravé sur le pilier du fond comme trace du passage des eaux littéraires, nous étreint, puis disparaît), déplorant nos manques (pourquoi avoir lu celui-là dont nous ne gardons rien maintenant que six mois ont passé et laissé passer celui-ci qui promettait tant ?), relisant rapidement nos billets pour nous y rafraîchir la mémoire, des noms s'imposent que l'on retrouve sur nos piles, de celles que l'on se résout pas à voir disparaître au profit d'une autre d'un livre plus jeune, plus rutilant, des titres pour lesquels on se sent une responsabilité, un devoir où vient se mêler du plaisir, pour lesquels on sait qu'on gagnera d'heureux lecteurs : le court roman de Dario Franceschini paru au printemps chez L'Arpenteur dans la belle collection italienne dirigée par Jean-Baptiste Para, Dans les veines ce fleuve d'argent, appartient exactement à cette catégorie, on n'a pas pensé à en faire un coup de coeur sur le site et on se dit qu'il est maintenant un peu tard, on ne l'a découvert qu'après l'été et, s'en voulant de ce retard, on s'est dit qu'il valait mieux se consacrer aux poulains de septembre, on lui assigne donc une belle place dans le rayon et on sait qu'on le fera "durer", car ce roman, de ceux qui laissent croire aux libraires qu'ils sont utiles pour faire découvrir des inconnus, est digne de figurer parmi nos livres préférés cette année, sa beauté économe, sa magie douce, son décor immémorial qui lui donne un air d'éternité, la singularité de ses personnages parfois brossés en quelques lignes, son intrigue surtout qui en fait une sorte de roman d'apprentissage à l'envers sur les traces d'un vieil homme parti en quête d'un ancien camarade pour lui offrir, enfin, la réponse à la question que celui-ci lui posa quand tous deux étaient jeunes et riches d'un avenir qui ressemblait à l'immortalité, lent parcours au bord d'un fleuve qui semble immobile, tel un juge impassible qui attend l'heure de la sentence, voyage de la mémoire mais qui nous projette hors du temps, infime épopée dont on sort secoué comme si l'on avait marché longtemps à la suite de ce Primo Bottardi, héros de cette aventure tragique, premier roman splendide d'un auteur que jusqu'alors les italiens connaissaient comme homme politique (il appartient au groupe de L'Olivier, tendance centriste nous semble-t-il), ce qui nous laisse songeur sur des qualités d'humaniste que l'on souhaiterait volontiers à nos hommes politiques à nous qu'on n' imagine fort mal susceptibles de nous offrir tel festin littéraire, bref, il s'en est fallu d'un souffle que nous oubliions d'évoquer Dans les veines ce fleuve d'argent, d'où notre manière, haletante, de réparer cette petite injustice. Mais maintenant, qu'on le lise...

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