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Réveillez la somnolence

1828_reveillez-la-somnolence
Une actualité de David V.
Publié le 21/09/2013

Jean-Pierre Martinet en chemiseGrâces soient rendues aux Editions Finitude qui, au mépris de toute ambition commerciale, ont ressuscité il y a quelques années, Jean-Pierre Martinet et s'en trouvent désormais fort aise puisque les critiques et les lecteurs ont suivi. Jérôme est en train de se tailler une place de classique maudit contemporain, ce qui n'est pas donné à beaucoup de livres malgré les efforts désespérés de quelques beaux esprits torturés. Ceux qui l'ont connu lorsqu'il respirait encore ne se privent plus désormais de le faire savoir, s'en glorifiant, oublieux malgré tout de leur totale absence d'efforts pour le faire relire. Saint Jean-Pierre Martinet en quelque sorte qui vient de rejoindre le firmament des grands oubliés...

Pour compléter enfin notre vision de ce grand auteur libournais (l'association Libourne/grand auteur a toujours quelque chose de troublant... mais on annonce bientôt un Boulevard Martinet dans la noble sous-préfecture), on va pouvoir se précipiter sur la réédition de son premier roman, La somnolence, paru en 1975 chez Jean-Jacques Pauvert et qu'il était quasiment impossible de se procurer. Mieux qu'un coup d'essai, il s'agit véritablement de la matrice de l'oeuvre future, tous ses thèmes s'y expriment, tous ses démons y font une apparition, comme si ensuite ses autres créations relevaient du cousinage infini. L'héroïne est ce qu'on appellerait généralement une "vieille folle", Martha Krühl, septuagénaire entêtée de solitude qui évolue dans un monde qui n'est qu'à elle. La frontière entre le réel et l'imaginaire est très ténue, la déambulation de cette prisonnière d'elle-même répondant à une logique difficile à percer : elle erre dans un monde de coton, inquiétant et familier, qui fait barrage avec cette vie vraie qui n'a aucune espèce de valeur. Cette enfant éternelle qui a cessé de vouloir comprendre le fonctionnement du temps pense que bientôt son cauchemar sera terminé et elle dévide devant nous un long monologue, lente chute de sable qui paraît l'engloutir. La préfacière de cet inquiétant roman, Julia Curiel, qui officie chez Léo Scheer (l'éditeur qui s'est offert la plus coûteuse des danseuses, une revue littéraire), signe un texte inspiré qui marque intelligemment et sans trop d'emphase (c'est un peu le problème avec les découvreurs tardifs de Martinet, ils font dans une hyperbole qui est aussi désastreuse que le silence terrible qui accueillit en son temps les textes de Martinet, ululant au génie oublié)  en quoi cet auteur nous est vraiment contemporain, moins marqué par le laminage des années 70 qui faisait peser sur la forme romanesque une suspicion dévastatrice. On invitera donc les curieux à la lire attentivement avant de s'immerger dans cette oeuvre qui ressemble souvent à la définition que Martha fait elle-même du monde :  "un bordel étouffant, dirigé par un tenancier ivre". Bienvenue dans les brumes alcoolisées et folle du misérable et inspiré Jean-Pierre Martinet.

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