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Rivages/noir n° 1000

Une actualité de Véronique M.
Publié le 30/03/2016

william boyle - GRAVESENDLe 30 mars 1986,  Liberté sous condition de Jim Thompson inaugurait une nouvelle collection devenue une référence incontournable pour les lecteurs de polars, de plus en plus nombreux.

Ce 30 mars 2016, François Guérif, son créateur et toujours directeur, fête les 30 ans de Rivages/noir  en publiant pour son millième titre le premier roman "âpre et poignant, peuplé de personnages inoubliables" d'un auteur américain inconnu, Gravesend de William Boyle.

Retour aux sources

Bien que l'histoire soit située au sud de Brooklyn où se concentre une forte communauté d'origine italienne, Gravesend, quartier natal de l'auteur proche de New York, n'a rien du rêve américain. Aucun de ses personnages ne semble en mesure de quitter ce coin minable où "on regrette de ne pas être né ailleurs" et certains reviennent malgré eux vers le lieu du drame qui a bouleversé leur enfance, et fera basculer leur vie d'adultes. Après avoir purgé une peine de 16 ans pour crime homophobe envers Duncan, le terrifiant Ray Boy retrouve Conway qui l'attend pour se venger de la mort de son frère. De son côté, Alessandra Biagini, actrice ratée dotée d'une grande beauté, revient à Gravesend pour y enterrer sa mère et reprend contact avec Stephanie, une ancienne amie au physique ingrat qui n'a jamais quitté le quartier ni l'emprise d'une mère folle. Les retrouvailles entre ces anciens camarades de lycée vont réveiller les démons enfouis dans la mémoire collective, comme si Gravesend étouffait toute velléité de fuite ou de désir vers un ailleurs, lieu maudit fomentant son propre châtiment,  

La vengeance d'un frère

Quand Conway d'Innocenzio demande à son seul ami et ancien flic McKenna de lui apprendre à se servir d'un pistolet, le voilà bien décidé à tuer Ray Boy, le meneur de la bande qui a lynché son frère qu'il a laissé mourir sur l'autoroute. Dès lors, comment ce " péquenaud vêtu d'une chemise blanc sale puant la gnôle et d'un manteau acheté d'occasion dans un magasin caritatif, le loser habitant avec son paternel dans une maison dont les murs suintent l'échec et le regret ", trouvera-t-il la force nécessaire pour venger Duncan et conquérir la belle Alessandra ? Parallèlement, on assiste à la naissance d'un voyou, Eugène, neveu de Ray Boy, ébloui par le passé de ce dernier et influencé par les séries télé américaines ou se rêvant dans la peau de Henry Hill, le gangster du film Les Affranchis de Scorsese. Eugène compte bien faire ses preuve en braquant le parrain de la pègre locale, M. Natale, puis espère partir en cavale avec son oncle. Or, ni Conway ni Alessandra ni Eugène ne s'attendent à retrouver Ray Boy métamorphosé, comme résigné à mourir...  

La filiation du roman noir américain

Comme dans une tragédie racinienne, Stéphanie aime en secret Conway qui aime Alessandra qui n'a d'yeux que pour le fascinant Ray Boy...  qui n'a plus rien de l'assassin qu'il fut. Malgré le sincère repentir de l'ancien taulard, nulle rédemption ne semble possible dans cet univers clos comme il le confesse :
Je ne crois pas en Dieu, je ne crois pas à la rédemption ni à aucune de ces foutaises.
libertéWilliam Boyle se situe bien comme un héritier des maîtres du noir américain qu'il avoue volontiers admirer, de Dashiell Hammett à Larry Brown, en passant par David Goodis, Daniel Woodrell, etc. Avec sa galerie de paumés, il nous rappelle subtilement Liberté sous condition qui mettait en scène dans les années 1950 un repris de justice qui sort traumatisé après 15 ans de prison de l'ignoble pénitentier de Sandstone. Même s'il n'atteint pas le degré de noirceur absolue et la profondeur du style de "Big Jim Thompson" (selon le surnom que lui donne Stephen King), force est d'admettre que William Boyle est un écrivain qui a lu ses illustres aînés et assure avec quelques uns de ses contemporains la continuité d'un genre, le roman noir. guerifDans Du polar, le recueil d'entretiens qui paraît en format poche chez Rivages/noir ce même jour anniversaire que Gravesend, François Guérif raconte la ténacité qu'il lui a fallu en 1986 pour faire partager son goût du genre (l'époque misait plutôt sur l'essor de la science-fiction) en dénichant des inédits d'écrivains qu'il admirait, ceux qu'il voulait (re)traduire dans leur intégralité sans oublier les nombreux qu'il a découverts comme le n°27 de la collection, un certain James Ellroy... pari réussi  avec les quelques trois cent auteurs qu'il a publiés depuis trente ans. Bon anniversaire M. Guérif et longue vie à Rivages/noir et à son sillage !

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