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Seul comme un chien

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Une actualité de David V.
Publié le 24/08/2013

combat-de-chiens.jpg"Une bonne paire de claques dans la gueule" suggérait en son temps Boris Vian relayé par Henri Salvador pour le tempo. C'est exactement le programme proposé par l'écrivain J.M.Servin dont on vient de traduire le premier livre aux Allusifs. Ce mexicain a longtemps dû frotter ses poings à l'adversité pour durcir une écriture que nous restitue aujourd'hui son traducteur Robert Amutio, une écriture âpre, hargneuse, sans oxygène qui oblige ceux qui ont glissé un doigt dans son roman à y laisser tout le bras. Cet ancien sans-papiers qui connut la dèche à Paris et ailleurs, est devenu écrivain et s'est imposé en quelques livres comme une voix majeure de cette nouvelle littérature d'Amérique Latine qui a rompu avec la magie pour plonger dans un réalisme aussi asphyxiant que l'air impur de Mexico. Le Moi qui parle (le roman commence par cette phrase "Moi, au téléphone") est un pauvre type pas encore tout à fait prêt à l'admettre cependant. Il a un travail pourri et le sait bien mais faute de mieux il subit. Il est seul, vivant dans une minable chambre louée à une vieille acariâtre, il traîne son ennui dans cette vaste zone urbaine d'où rien d'agréable n'émerge, où les gens vivent dans l'attente d'un petit fait divers qui viendra tordre le cou à la routine. C'est presque malgré lui qu'il va en devenir le protagoniste. Attiré par l'odeur du sang et guidé par cet instinct qui mène à la violence, il se retrouve en plein combat de chiens, lucrative et monstrueuse activité clandestine, corrida du pauvre presque sans règles (on réclame juste aux propriétaires de lécher leur chien afin de s'assurer que la bête n'a pas été dopée ou recouverte de poison) où deux bêtes surexcitées s'entretuent sous les rugissements de la foule. Le basculement dans la folie la plus pure va avoir lieu quand notre anonyme héros accepte le défi d'un homme qui offre une forte somme à qui battra son chien, à mains nues bien sûr : la scène que nous décrit alors Servin est d'une précision et d'une violence rarement atteinte. Et contre toute attente c'est la rage humaine qui l'emporte sur la férocité animale, la brute enivrée de sang réussissant à démonter les mâchoires du fauve. N'attendons aucune morale d'un tel épisode qui s'achève par un coup de barre sur la tête du vainqueur que l'on retrouve dans sa chambre, délirant, dépouillé de tout. Ayant tout perdu sauf sa hargne, il va décider de s'offrir un dernier luxe : la vengeance. Parenthèse cauchemardesque dans une réalité crasseuse, Chambres pour personnes seules est un roman qu'on se supporterait pas de voir durer plus longtemps. Haletant, dérangeant, il nous invite au spectacle de cet enfer sans splendeur que peut être le Mexique d'aujourd'hui.

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