Chargement...
Chargement...


Souvenez-vous de lire Yves Pagès

10738_souvenez-vous-de-lire-yves-pages
Une actualité de David V.
Publié le 11/03/2014
On se souvient que c'est en découvrant I remember de Joe Brainard que Georges Perec a eu l'idée de son Je me souviens passé à la postérité et désormais devenu un exercice de style plus ou moins bien réussi pour écrivains en mal d'inspiration ou animateurs d'ateliers d'écriture (voir à ce sujet le très intéressant court livre de Patrice Robin, Une place au milieu du monde, paru chez P.O.L où il condense en une centaine de pages ses expériences avec les jeunes déscolarisés qu'il encourage à cet exercice et découvre à quel point il est source de tristesse car ce ne sont jamais de bons souvenirs qui reviennent). Beaucoup s'y essaient et c'est souvent creux, au mieux artificiel, au pire parfaitement ennuyeux. Yves Pagès ne devait pas l'ignorer en entreprenant la rédaction de Souviens-moi que publie aujourd'hui L'Olivier. Lui-même éditeur, et de talent puisqu'il préside au catalogue de Verticales dont on loue l'exigence et la tenue, il sait qu'entre une intention et un livre il y a un écart que seule la littérature peut combler, et que pour que la formule fonctionne il est nécessaire qu'elle soit nourrie. "L'oubli, c'est un bruit de fond familier, le mien", avoue-t-il en exergue de ces cent pages qui vont rassembler les fragments épars d'une mémoire qu'il convient de travailler avant dispersion définitive. Obsédants, ces paragraphes n'ont pourtant rien d'obsessionnels, ils creusent le temps, les époques, les mélodies, les éclats familiaux et familiers, les regrets, les amertumes sans jamais oublier la société qui les a produits. Car s'il est écrivain, Pagès est aussi témoin et le regard qu'il porte sur sa vie en puzzle se concentre sur cette société dont il analyse les errements ou les tristes tropismes sans jamais, c'est sa force, se faire moralisateur. Laisser percer son sens de la subversion sans que celle-ci déteigne sur le propos. Penser l'oubli, penser à ses oublis, les remettre au jour et les affronter pour mieux apprivoiser cette mémoire qui échappe sans cesse. On aimait Yves Pagès pour ces textes, trop rares (Petites natures mortes au travail, Portraits crachés, précipitez-vous sur ces livres), on le découvre mémorialiste de lui-même et c'est une belle rencontre.

Bibliographie

Abonnement

Derniers articles du blog "Ces mots-là, c'est Mollat" envoyés chaque semaine par mail