Chargement...
Chargement...


Souvenir d'une bombe littéraire

Au bonheur des ogres - Daniel Pennac - collection Folio.jpg
Au bonheur des ogres - Daniel Pennac - collection Folio
Une actualité de Véronique D.
Publié le 07/02/2017
Quand un roman marque ma vie de lectrice, j’ai à jamais ancré dans ma mémoire le lieu où j’en ai tourné les pages avec bonheur : un hamac sous un cerisier en fleurs pour Jane Eyre à 15 ans, une chaise longue un peu fanée dans les Landes pour Le Quinconce à 30 ans et, plus tard, un lit d’une nuit d’insomnie pour Construire un feu… Bref !
J’ai 20 ans et un ami étudiant, fou de polars, se bidonne en lisant un « Série noire ». Pas ma tasse de thé à ce moment-là de ma vie. Mais des phrases volées ici et là* me font franchir le pas et c’est dans le bus qui me ramène chez moi, après être m’être arrêtée dans une grande librairie bordelaise aux boiseries bleues, qu’une bombe explose : nous sommes en 1985 et je viens de rencontrer la famille Mallaussène …

Je découvre une dinguerie maîtrisée, une gouaille réjouissante, une invraisemblance délicieuse et surtout une irrévérence permanente mêlée d’une immense tendresse. Je pouffe, je me régale, je m’exclame, je lis des passages à voix haute. Bref, je tombe amoureuse de Benjamin et de sa tribu bancale, je suis un poil jalouse de Tante Julia et je veux un chien qui ressemble à Julius.

Au bonheur des ogres est de ces parfaits divertissements où la parodie affleure, où les clins d’œil se répondent, où les trouvailles langagières vous comblent de joie. Le charme opère, vous êtes dans cet ailleurs de fiction où tout est possible puisque même les bombes qui explosent à tout-va vous font rire. La légèreté le dispute à la gravité, la peinture sociale est « au petit poil », l’empathie pour les personnages et leurs galères vous emportent loin de toute préoccupation personnelle et vous avez rencontré des amis d’encre et de papier, là, au milieu des embouteillages, bringuebalé à la tombée d’un soir d’hiver.

* Elle avait dix-neuf ans, elle montait les escaliers du métro, il en avait vingt-trois et il les descendait. Elle venait d'être plaquée par un zombie qui préférait les abstractions ; lui allait présenter son internat de médecine. Il la vit, elle le vit, Paris cessa de circuler.

* Le commissaire Coudrier ressemble à son nom. C'est un chercheur né, sans passion. Il cherche des truands, des assassins, aujourd'hui un poseur de bombes, mais il aurait aussi bien pu partir en quête de la scission de l'atome ou de la potion anti-cancer. Ce sont les hasards de ses études supérieures qui l'ont placé devant moi plutôt que derrière un microscope.

Au bonheur des ogres - Daniel Pennac - collection Série Noire

Abonnement

Derniers articles du blog "Ces mots-là, c'est Mollat" envoyés chaque semaine par mail