Alors qu'elle a été tirée du sommeil en pleine nuit par un bruit léger mais persistant qu'elle est semble t-il seule à entendre, Anna écoute son intuition au petit matin et se rend dans la remise qui menace ruine dans son jardin pourtant si bien entretenu. Là, sur le vieux canapé défoncé, elle y découvre un enfant mollement abandonné au sommeil.
Anna reste quelques secondes à regarder à travers les volets puis se redresse, prenant garde à ne pas se faire repérer. Elle retourne vers la maison, rince sa tasse, débarrasse la table. Un enfant dans la remise. Ça fait beaucoup. Elle passe la main sur son front. La canicule annoncée est en train de monter.
Dès les premières lignes de
Dans la remise l'étrangeté est là et marque de son empreinte un roman qui va distiller tout au long des pages une inquiétude sourde, teintée de sensualité. Anna et son mari Bertrand forment un couple que l'on dirait bien assorti, menant tous deux de belles carrières (lui ingénieur et elle avocate brillante dans un cabinet d'affaires) et jouissent d'un bonheur sans nuages que ne vient même pas entacher la mort subite de la mère d'Anna. Après tout, elles n'étaient ni proches ni liées par un sentiment affectueux et cette mort n'est pour Anna qu'une tracasserie faite de formalités à régler. De pages en pages pourtant, le passé reflue, porteur d'images et de souvenirs enfouis, domestiqués à grand peine tandis que le bonheur lisse du couple se fissure. Peu à peu, l'enfant de la remise prend toute la place dans les pensées d'Anna, cet enfant "tombé de la lune" comme le personnage du
conte de son enfance. La solitude d'Anna devient palpable et la panique menace de lui faire perdre pied...
Retenez bien le nom d
'Inès Benaroya. Son premier roman qui n'est pas sans rappeler par son ambiance et par son style les romans de
Laura Kasischke plonge le lecteur au plus près d'un cheminement intérieur tortueux et douloureux, où l'inconscient vient bousculer les certitudes chèrement acquises. Le verni s'écaille, le quotidien n'a plus de sens, la réalité encore moins et le lecteur se retrouve sous le charme envoûtant de cette ambiance délétère où les images sensuelles le disputent à la poésie d'une langue élégante et très musicale.
Inès Benaroya pourrait bien devenir
Quelqu'un en vue, et cela tombe bien puisque c'est justement le titre de son tout nouveau roman dont il n'est pas impossible que l'on parle ici très bientôt !