Chargement...
Chargement...


Tous des monstres!

634_tous-des-monstres
Une actualité de David V.
Publié le 09/05/2013

musee-des-horreurs.jpgAu pied du lit vous déposerez ce gros livre, près de la lampe de chevet qui renverra sur le mur votre ombre inquiète, afin de ne pas oublier chaque soir de vous y plonger, avant d'éteindre la lumière, histoire de vous garantir quelques cauchemars de qualité qui rendront vos nuits passionnantes et donneront à vos journées un air de tranquillité. C'est que Laffont sort dans sa précieuse collection Bouquins un volume conséquent de nouvelles fantastiques, cruelles et macabres héritées du XIX° siècle tardif qui fut fervent de ce genre et son Petit Musée des Horreurs est une mine d'or dans laquelle puiser sa dose quotidienne d'horrible et, il faut bien l'avouer aussi, de mauvais goût délectable. Le travail réalisé par Nathalie Prince est une réussite exemplaire dans ses choix, ses trouvailles, dans la qualité de son analyse qui en fait désormais une anthologie de référence. Réunissant des auteurs archi-connus (et souvent pas dans ce domaine) et des noms passablement oubliés du grand, du moyen voire du tout petit public intéressé, cette sélection de 118 nouvelles françaises (et on y sent souvent les inspirations anglo-saxonnes et germaniques) reprises intégralement nous offre un panorama complet de ces vingt années où les monstres de tout poil envahirent les livres, les journaux et les revues, manifestations excessives d'un siècle finissant où tout semblait permis. Les feux du romantisme et de son avatar gothique éteints depuis longtemps, les "décadents" s'en donnent à coeur joie avec cette "particularité de fonder (leurs textes) sur une incrédulité et une dévalorisation du surnaturel" : le macabre et le morbide ont remplacé le magique et le fantomatique, les fous ont évincé les illuminés, les pervers ont pris la place des héros. Le poison qui s'est infiltré dans toutes les strates d'une société en proie aux doutes a gagné la littérature, et la mort paraît entreprendre sous les formes les plus excessives des personnages malmenés sans pitié par des écrivains que plus rien ne retient. On rit du mal, on se rit des derniers restes de convenance et on le fait avec une fantaisie qui paraît d'une terrible modernité aux lecteurs d'aujourd'hui. Nathalie Prince a fait des choix dans la masse énorme de textes qu'a laissée cette époque prolixe et le résultat est diablement réussi : on y retrouve les cadors comme Richepin, Maupassant, Villiers de l'Isle Adam, Lorrain ou Schwob, on y entend parler à nouveau de Lermina, Catulle Mendes, Péladan, Rodenbach ou Maurice Renard, on y découvre Gaston Danville, Charles de Sivry, Robert Scheffer ou Léo Trézenik ; et l'avantage tient à ce que Mme Prince n'a gardé que le meilleur, oubliant volontiers ce qui n'a pas vieilli du tout. Au final c'est un véritable tourbillon macabre qui nous est offert, une suite de vision du corps auquel des esprits perfides ont fait subir tous les outrages, un corps malmené par les mots, un corps poétisé qui parle à nos esprits d'hommes du XXI° siècle tellement sollicités par le choc des images incessantes et le carrousel des horreurs. Onze cent pages de malédictions fin-de-siècle au pied du lit, on en redemande !

Bibliographie

Abonnement

Derniers articles du blog "Ces mots-là, c'est Mollat" envoyés chaque semaine par mail