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Un canard à aimer

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Une actualité de David V.
Publié le 24/11/2014

FupJim Dodge est loin d'être le plus connu des auteurs américains malgré le soutien de Thomas Pynchon qui s'était fendu d'une préface pour son livre Stone Junction paru chez nous dans la fameuse collection animée par Claro, Lot 49. Il y aurait de quoi impressionner effectivement, et pourtant cet écrivain qui vit plutôt retiré dans un ranch isolé de Californie se laisserait facilement apprivoiser comme le prouve la pertinente réédition d'un autre de ses livres initialement paru au Seuil en 1985, L'oiseau canadèche, par les toujours intelligentes éditions Cambourakis dont on ne se prive pas ici de dire tout le bien possible. Improbable histoire et pourtant attachante que celle de ce vieillard persuadé d'être immortel et qui carbure à un alcool de sa fabrication tellement fort que personne ne parvient à le boire. Il hérite un jour d'un petit-fils que la justice hésite à lui confier, certaine que l'environnement offert à cet enfant n'est guère propice à son épanouissement. Mais c'est sans compter sur l'ardeur du vieux qui voit dans l'arrivée du gamin comme un signe que sa vie a enfin un sens et qu'il va pouvoir transmettre à sa descendance sa philosophie à 90°. Le jeune Titou grandit ainsi avec cet ermite alcoolisé qui a choisi de ne pas se laisser ennuyer par la société et s'interdit toute barrière. Quand il réalise que son petit fils vit dans une obsession de la cloture dont il plante des poteaux partout, grand-père Jake comprend que la liberté n'est pas héréditaire mais il laisse s'épanouir cette étrange vocation, une vocation solitaire et exigeante car il ne met des piquets qu'autour de ses terres, affrontant les sangliers décidés à détruire ce barrage. Deux animaux occupent les premiers rôles dans cette fable, un sanglier monstre, probable et indestructible réincarnation d'un indien ami de Jake  et dont Titou veut à tout prix la peau, et Canadèche, une cane hors du commun qui bouffe du matin au soir et refuse obstinément de voler malgré les cours assidus du gaillard dont elle est devenue l'amie. Cet animal philosophe apporte une touche de féminité dans cet univers viril mais une féminité bien épaisse, bien plantée dans le sol. C'est sans doute cette confrontation entre monde animal anthropomorphisé et monde humain naturalisé qui crée l'ambiance si particulière de ce conte dont on ne dévoilera pas la morale car elle est explosive : Jim Dodge parvient à l'improbable, nous captiver, sans cesser de nous faire sourire, par les aventures d'un duo de bouseux magnifiques et une paire d'animaux superbes. Avouons-le, après L'oiseau canadèche, on aura peut-être un peu plus de mal à savouer le foie gras de Noël...

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