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Un écrivain, des machines

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Une actualité de David V.
Publié le 24/11/2014

Quand nous lui avons proposé de tourner un petit clip pour présenter son premier roman paru chez Buchet-Chastel, Jean Bernard-Maugiron nous a suggéré de nous rendre dans un lieu très méconnu de Bordeaux, le Musée de l'Imprimerie, animé par quelques passionnés qui désespèrent de voir leur musée fermé par décision administrative quand il recèle tant de trésors qu'on ne peut voir nulle part ailleurs. L'occasion était trop belle pour la manquer : nous avons donc suivi le jeune auteur dans ce lieu étrange où s'agitent les fantômes de professionnels en train de disparaître et quelques messieurs passionnés qui ont à coeur de transmettre la passion de leur métier. C'est donc dans ce décor que nous avons demandé à Jean Bernard-Maugiron de nous en dire plus sur ce bizarre Victor et sa linotype. Nous reproduisons l'article publié sur ce blog cet été, histoire de rappeler tout le bien que nous pensons de ce petit roman décalé et surprenant.

Jean Bernard-Maugiron a de quoi nous surprendre. D’abord parce qu’on serait tenté de l’appeler Jean-Bernard et qu’il n’en est pas question : son prénom est bien Jean (mais nous ne l’appelons pas encore Jean). Ensuite parce qu’il nous offre un petit roman qui devrait être une des jolies sensations littéraires de la rentrée et qu’il ne nous en avait rien dit lorsque nous le croisions dans nos murs où il fait de très discrètes apparitions qui ne nous laissent guère le temps de parler littérature, il faut bien l’avouer. C’est à l’éditrice Pascale Gautier (par ailleurs elle-même auteur très douée, souvenons-nous du récent Les Vieilles) que l’on doit cette parution pour la rentrée de Buchet-Chastel. Du plomb dans le cassetin est bref, se lit d’un trait comme on dévore le journal. Mais si les nouvelles du jour s’oublient vite, l’histoire du petit employé héros de ce livre imprime dans la cervelle sa folie. Le titre, un peu énigmatique pour les profanes, nous renvoie à un univers en voie de disparition face à l’invasion définitive des machines, celui des cassetins, ces lieux (par métonymie) où des ouvriers très spécialisés qui constituent une sorte de caste dans le monde de la presse, avec ses privilèges et ses coutumes, fondaient le plomb des caractères et où désormais ils corrigent les textes avant l’envoi à l’impression. Des dizaines d’année dans cette ambiance, à défaut de vous forger le caractère, vous bousillent la santé, mentale notamment, et il est vite évident que Victor qui tente laborieusement de nous narrer ses aventures et ses souvenirs, a quelques circuits encombrés. Car on a beau avoir écrit ou composé des phrases toute une vie, quand il s’agit de coucher sur la papier la sienne, d’en vanter les gloires et les petitesses, les anecdotes poilantes et les vacheries plumantes, c’est une autre histoire. Il rame sec notre Victor et tout s’embrouille pour ce typographe qui a connu le prestige et qu’on a ravalé au service nécrologie où il  fait quelques mémorables boulettes (de viande morte). Ce n’est pas un lecteur même s’il passe la journée dans les mots, son truc à lui c’est plutôt les trains, les petits, ceux avec lesquels on peut jouer au dieu des aiguillages, un hobby qui ne dérange plus maman, écroulée dans un coin de l’appartement. Jean Bernard-Maugiron tient dès le début du livre un ton, une voix, qu’il ne lâchera plus, obsédant dans sa réitération qui se délite. Victor s’embrouille mais sur le métier il remet son ouvrage, persiste, insiste, s’énerve. On aura bien soin de ne pas trahir le secret d’un roman trop bref pour en dire beaucoup, mais il nous faut insister sur la véritable réussite du projet, cette plongée au coeur d’un métier trop joli pour être honnête jusqu’au bout. Quelques correcteurs s’occuperont des nombreux articles que lui vaudra cette réussite, rêvons qu’ils trouvent le temps de découvrir ce premier roman mieux que prometteur

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