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Un Gendarme culotté

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Une actualité de David V.
Publié le 27/06/2014
culotte de gendarmePour ceux qui l'ignoreraient et afin de n'être pas considéré comme obscur avec ce titre, j'informerai donc les amateurs de météorologie littéraire que la culotte de gendarme caractérise un ciel nuageux où se laisse entrevoir un coin de ciel bleu. Si Jean-Baptiste Gendarme doit souffrir depuis toujours des tristes blagues engendrées par son patronyme, il semble parfaitement l'assumer avec son Splendeurs et misères de l'aspirant écrivain qui paraît à la rentrée chez Flammarion (qui édite sa fameuse revue Décapage) où le terme d'aspirant prend quelque allure martiale, nous rappelant à bon escient que devenir écrivain (ce que se promet de faire ce manuel) tient plus de la préparation à la guerre que d'une promenade de santé (à quoi on ajoutera que cela peut vite devenir un chemin de croix sans aucune chance de rédemption). Mais si nous parlions de ciel bleu, c'est qu'avec Gendarme l'espoir reste de mise si on applique avec tact les conseils qu'il délivre tout au long d'une trentaine de chapitres. Éditer son premier roman, ce qui reste dans le peloton de tête des fantasmes de la jeunesse vieillissante d'aujourd'hui (on exagère quand même, faites le tour de vos proches : qui rêve encore de voir son nom sur une couverture glacée ?), est plus qu'une gageure (prononcez avec un u, pas comme à la télé), c'est un fol espoir rongé de doutes et de soupçons, un parcours du combattant (on y revient) semé de chausse-trapes (avec une inquiétude sur l'orthographe de ce mot qui pourrait bien avoir droit à deux p) et de mauvais coups. Didactique et documenté (on voit que l'auteur est immergé dans le milieu), ce guide pratique suit pas à pas l'innocent depuis la naissance de sa vocation jusqu'au zénith de sa publication. L'amusant est que semble en creux se dessiner une autobiographie, comme si l'auteur qui campe déjà sur une solide biographie d'opus parus chez Gallimard, n'avait rien oublié de son propre parcours, en nous épargnant une confession qui donnerait moins de force à son propos. Évidemment on a foncé sur la partie "le libraire" qui est une amusante et pas toujours fausse caricature du métier avec quelques erreurs qui témoignent que Jean-Baptiste Gendarme est plutôt du côté des créateurs que des documentaristes (ce dont il faut se réjouir). Jacques Brenner, connu pour être une des plus belles pestes posthumes du métier, fournit pas mal de vacheries sur les coulisses, Bernard Frank l'indispensable est souvent appelé à la rescousse, mais notre guide est aussi allé écouter avec patience les écrivains de tous poils ou a lu leurs interviews, pas dupes de leur façon de réinventer une carrière. Quant aux éditeurs, ils ne sont guère ménagés sans être pour autant pourfendus comme beaucoup d'amères et ignares apprentis se plaisent à le faire. Vous découvrirez ainsi le syndrome du cycliste, pleurerez sur la condition de critique, regimberez quand vous comprendrez que l'attachée de presse n'est pas un si parfait bouc émissaire que ça. Bref, vous en verrez des vertes et des pas mûres durant ce court voyage au pays de la gloire littéraire, ce hochet dérisoire bien éloigné de la littérature. C'est en tout cas la grande qualité de ce Splendeurs et misères, il n'est ni cynique, ni désespérant, signe que son auteur y croit encore fermement et avec élégance. D'aucuns auraient volontiers lâcher leurs molosses ironiques sans rien rapporter qu'un vilain petit tas de chairs abimés. Mais que cela ne vous encourage pas plus que cela, voyons...Le livre paraît le 27 août, en pleine rentrée littéraire, bien sûr. Gendarme