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Un inédit d'Alain Gluckstein l'autobiographe

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Une actualité de David V.
Publié le 09/05/2013
Neschoco et Kellogomiel

 

On espérait bien en lançant ce blog qui mobilise beaucoup d'énergie et de passions au sein des équipes Littérature et Poches de Mollat qu'il nous permettrait des rencontres, des échanges, des découvertes, des innovations. Eh bien, nous voici déjà comblés puisque nous avons la joie de recevoir d'Alain Gluckstein, superbe auteur dont nous vantions il y a peu les grandes qualités à l'occasion de la sortie de Ton Autobiographie chez Folies d'encre, un texte inédit, jeu littéraire chiffré qui fait écho à cet opus fameux et que vous pouvez donc découvrir en exclusivité sur ce blog. Nous formons le double espoir qu'il incite les amateurs d'excellente littérature à se précipiter sur Ton Autobiographie et qu'il encourage d'autres auteurs à se manifester, ce qui serait notre plus belle récompense. Un merci sincère et admiratif à Alain Gluckstein qui, on n'en doute pas, n'a pas fini de réapparaître sur ce blog…

1. C’est fou, quand on y pense, les gens qui s’adressent à toi, des gens que tu ne connais ni de loin ni de près et à qui tu n’as jamais rien demandé. Dès tout petit, le gars qui fabrique les céréales de ton petit déjeuner veut savoir, par exemple, si tu es prêt à grandir avec Neschoco qui est bourré de vitamines et de fibres naturelles ou si tu as bien ta collection de bonshommes Kellogomiel au complet, pas un qui manque. Tu as sept ans, tu as dix ans, tu n’es pas réveillé, tu hoches la tête tout seul devant ton bol de trucs qui croustillent. Il est trop tôt encore pour que tu aies réintégré tout à fait ta personne que déjà on la tire par la manche jusque dans les allées du magasin universel.

2. Les gazettes pour adultes, du moins, te vouvoient, la plupart du temps, sauf quand il veulent faire jeune. Ils te disent comment retrouver ton poids de jeune fille en trois semaines, choisir une action humanitaire, faire une jolie table pour Noël ou, pardon, pardon pour le Tibet, établir ton horoscope chinois personnel. Tu ne réussis pas ton petit bout d’existence, après ça, c’est que tu ne sais pas lire.

3. Un jour, supposons, un directeur de journal te commande un texte à placer entre « Votre barbecue allégé » et « Vous avez tous les atouts en mains », un texte pour montrer aux gens comment raconter leur vie. Le titre serait « Votre autobiographie en sept leçons ». Tu es pauvre. Tu recherches la gloire. Tu acceptes. C’est plus difficile que « Ton barbecue allégé », parce qu’il existe un nombre limité de recettes de barbecues allégés et en principe une infinité de vies humaines à raconter. Tu vas donc écrire une autobiographie universelle dans laquelle les anecdotes puisées au sein de ta propre existence ne figureront qu’à titre d’exemple.

4. Par exemple.

5. L’avantage du « tu » est qu’en français courant, il équivaut souvent à un « on ». Les gens qui racontent une histoire le savent bien. Par exemple : la phrase « tu es pauvre » supra ne s’adresse pas à un lecteur pauvre ou que tu supposes tel, ni même, dans une sorte de dialogue schizophrénique, à toi-même qui serais pauvre. « Tu es pauvre » signifie : « imaginons quelqu’un de pauvre ». Ton Autobiographie, c’est l’autobiographie de n’importe qui.

6. Or il se trouve que tu es justement, de tous les écrivains disponibles sur le marché actuellement, le plus à même d’écrire l’autobiographie de n’importe qui car au moment de passer en revue les moments obligés du genre, ton nom, ta famille, ton corps, ton métier, tu te rends compte que rien, absolument rien dans ta vie ne la distingue dans le continuum des êtres et des choses terrestres. A mesure que tu avances dans l’histoire, tu te dépouilles de ce que tu croyais être les éléments constitutifs de toi, si bien qu’à la fin tu n’existes plus du tout.

7. Tu n’existes plus, mais le livre existe, lui. Plus long qu’un article de gazette, et plus long même que la gazette elle-même. Quand tu étais petit, en colonie de vacances, un moniteur t’avait appris à faire un bonhomme en entourant un ballon de baudruche de bandes de plâtre mouillées. A la fin si le ballon crève, le bonhomme reste. Unique et irremplaçable comme chaque existence humaine. Ce n’est pas dans ta boîte de Kellogomiel que tu en trouveras des pareils.

- Alain Gluckstein

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