Chargement...
Chargement...


Un peu de SF dans un monde de brutes

2590_un-peu-de-sf-dans-un-monde-de-brutes
Une actualité de David V.
Publié le 19/03/2016

loic-nicolas.jpgLa Science Fiction est sans doute le parent pauvre de ce blog. Ce "mauvais genre" réclame en effet des spécialistes, et le nôtre ne manque pas de besogne, occupé qu'il est à trouver de la place pour les nouveautés nombreuses, conseiller les clients qui sont souvent pointus, faire le tri du bon et du moins bon, distinguer la Fantasy du fantaisiste, promouvoir les petits éditeurs difficilement visibles... sans négliger la BD qui voisine avec ce rayon. Une fois n'est pas coutume et profitant d'une actualité internautique, nous avons l'occasion d'écouter la voix de Loïc qui a répondu longuement aux questions d'Actu-SF.com sur son métier, l'état des lieux de ce domaine, ses choix, son activité et son regard sur l'avenir. En voici un petit extrait. Vous pourrez découvrir l'intégralité de ce long entretien en allant ici.

Actusf : Comment choisissez-vous les titres que vous prenez en rayon ?
Loïc Nicolas : La taille de mon rayon me permet de prendre presque tout ce qui sort chez les éditeurs ayant un distributeur.
Mes choix se manifestent donc plus dans le nombre d’exemplaires que je prends de chaque titre. Prendre deux exemplaires d’une nouveauté ou trente dépend des réponses apportées à certaines questions, telles que, en vrac :
Est-ce que c’est attendu par mes clients (en magasin, bibliothécaires ou internautes), est-ce que je souhaite leur faire découvrir ? Est-ce que j’ai déjà lu quelque chose de l’auteur ? Est-ce que j’ai aimé un ou plusieurs de ses livres précédents ? Comment j’ai vendu les précédents ? Quelle est l’histoire, me plait-elle, suit-elle une mode, en anticipe-t-elle une ? Ce livre est-il important dans le parcours littéraire de l’auteur ? Dans quel genre/courant s’inscrit ce livre ? L’éditeur y croit-il beaucoup ? Je tranche donc suivant mes lectures précédentes, mes goûts, mes historiques de vente, les argumentaires proposés par les représentants, le sens du vent qui souffle sur les forums. La notoriété de l’auteur joue aussi beaucoup bien sûr, ainsi que sa réputation. Et pour être clair, si je connais personnellement l’auteur et/ou son éditeur joue aussi.
(...)
Actusf : On parle souvent d’un déclin de la science fiction par rapport à un essor de la fantasy. Avez-vous l’impression que c’est le cas ? Est-ce que la SF se vend moins bien ces dernières années ? Et la fantasy ?
Loïc Nicolas : C’est un peu la doxa dans Notre Club, non ? : la SF se casse la figure, la Fantasy stagne après 10 ans de progression, la nébuleuse Bit Litt’/Fantasy Urbaine se taille désormais la part du lion.
Pour nuancer ce tableau :
Si on se bat, on fait encore de très belles ventes avec des titres SF (Spin est dans le top 5 de mes ventes de grands formats, par exemple), et les grands auteurs du fonds SF sont toujours bien fréquentés par des lecteurs de tous âges. Par ailleurs, c’est encore la SF qui a le plus de chance d’attirer des lecteurs qui ne lisent habituellement pas d’imaginaire, avec des romans en lien étroit avec nos préoccupations actuelles ou qui ont une dimension plus littéraire. Encore faut-il que le libraire qui a le rayon en charge s’y intéresse, que les représentants des maisons d’édition aussi. Il y a peu d’espoir : les futurs libraires que j’ai pu croiser lors de leurs stages semblent plus orientés Fantasy que SF.
La Fantasy stagne voire décline, victime de sa surproduction et de son formatage. Elle draine quand même encore un très large public. Une partie de son lectorat s’est détournée vers la Bit Litt’, qui est désormais une composante à part entière du paysage des littératures de l’imaginaire. Reste que, dans mon rayon, la progression de cette dernière est bien moins importante qu’a pu l’être celle de la Fantasy quand elle a “explosé”. Sans doute parce que la clientèle Bit Litt’ est majoritairement adolescente et donc ses ventes se font au niveau des rayons jeunesse ou ados ; même si elle s’est durablement et largement installée dans mon rayon, les grosses ventes se font donc en dehors de mon périmètre. Dans mon rayon, sorti de Laurell K. Hamilton, Charlaine Harris et Patricia Briggs, les séries vivent plus ou moins bien en poche - en grand format, c’est calamiteux.
En fait, la question n’est plus de savoir quel genre ou quel courant se vend le mieux. Depuis les cinq ou six derniers mois, la différence significative se fait entre le poche et le grand format. Les ventes de ce dernier accusent un fort ralentissement qu’on ne constate pas pour le poche. La faute sans doute au contexte économique, au prix des livres, à la concurrence de la vente d’occasion.