Chargement...
Chargement...


Une bobine de fil bleu

Une bobine de fil bleu - Anne Tyler - éditions Phébus
Une bobine de fil bleu - Anne Tyler - éditions Phébus
Une actualité de Marie-Aurélie
Publié le 28/01/2017
Dans les beaux quartiers de Baltimore, une maison se détache de ses voisines par son ossature particulière, son charme intemporel et sa grande véranda. La maison des Whitshank est le berceau familial depuis le milieu du 20 siècle, héritée d’un père charpentier qui l’avait construite lui-même pour une autre famille ; Junior Whitshank l’avait imaginé parfaite, idéale à ses fantasmes immobiliers les plus profonds. Il fera tout pour la récupérer à ses propriétaires et y installera finalement sa femme Linnie et ses deux enfants Merrick et Red.
A l’aube du 21ème siècle, la maison appartient désormais à Red et sa femme Abby, cinquantenaires et parents de quatre enfants, Amanda, Jeannie, Stem et Denny. Chacun de ces enfants ont bâti leur nid proche du foyer parental. Sauf Denny. De tous les enfants Whitshank, Denny est le plus complexe, le plus rebelle, le plus difficile à cerner pour ses parents et frères et sœurs. Si dès le début du roman Denny apparaît comme le nœud tendu de cette famille, il semble rapidement n’être que la partie immergée de l’iceberg. Car comme dans toutes les familles, le visible et l’invisible se répondent souvent.

C’est avec un humour féroce et une psychologie d’une grande finesse qu’Anne Tyler dépeint un univers familial d’une terrible authenticité. Et bien que Tolstoi ait dit « Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l'est à sa façon. », on ne peut s’empêcher de reconnaître parmi les Whitshank une mère, un frère, un oncle. Car les Whitshank sont bel et bien une famille ordinaire, comme la mienne, comme la vôtre.

Mais n’en doutez pas, à famille ordinaire, livre extraordinaire.

« - Résidence des Whitshank, j’écoute, dit-il. Tiens, salut.
Abby se détourna du miroir, les bras toujours levés, fourrageant dans sa coiffure ;
- Comment ça, dit Red, d’un ton plus affirmatif qu’autre chose. Hein ? Oh, merde, Denny !
Abby baissa les bras.
- Allô ? fit Red. Attends. Allô ? Allô ?
Il resta silencieux un instant, avant de reposer le combiné.
- Quoi ? demanda Abby.
- Il dit qu’il est gay.
- Quoi ?
- Il m’a dit : « Il faut que je te dise quelque chose : je suis gay. »
- Et tu lui as raccroché au nez !
- Non, Abby. C’est lui qui m’a raccroché au nez. Tout ce que j’ai dit, c’est « Merde. », et il a raccroché. Clic ! Comme ça.
- Oh Red, comment as-tu pu ?
Elle pivota pour attraper son peignoir – en chenille décolorée, rose à l’origine -, s’en enveloppa et noua fermement la ceinture.
- Qu’est ce qui t’as pris de dire ça ?
- Mais je ne sous-entendais rien ! Quand quelqu’un te fais une révélation farfelue, tu dis : « Merde. » C’est la première chose qui te vient, non ?
Abby empoigna la grosse mèche de cheveux qui lui tombait sur le front.
-Tout ce que je voulais dire, poursuivit Red, c’est : « Merde, quoi, encore, Denny ? Qu’est ce que tu es encore allé chercher pour nous causer du souci ? » Et il savait très bien que c’était ce que je voulais dire. Je te garantis qu’il le savait. Mais maintenant il peut tout me mettre sur le dos, me reprocher mon étroitesse d’esprit, me traiter de vieux jeu ou je ne sais quoi. Il était content que je lui dise ça. Il n’ya qu’à voir comme il s’est dépêché de me raccrocher au nez ; il espérait depuis le début que je réponde de travers. »

Bibliographie

Abonnement

Derniers articles du blog "Ces mots-là, c'est Mollat" envoyés chaque semaine par mail