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Une enfance sous Franco

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Une actualité de Véronique D.
Publié le 09/05/2013

mercedes deambrosisMilagrosa est une petite fille soumise, éteinte, volontairement discrète. Comment pourrait-il en être autrement alors que Carmen, sa mère, toute puissante, règne en maître sur toute la maisonnée. Toujours au bord de l’apoplexie, cette maîtresse femme captive l’attention de tous : par la force de ses cris, la hauteur de son verbe et un despotisme assumé qui lui est comme une seconde nature. Dans la famille, il y a aussi le père, grand fumeur de cigarettes malodorantes dont la petite Milagrosa hume les fumées comme des signes de la présence d’un père totalement évanescent et fuyant, la tante, quasi-esclave de sa sœur qui l’exploite sans vergogne puisqu’elle a eu « la charité » de la recueillir après un veuvage prématuré, le neveu, recueilli du même coup avec sa pauvre mère et la grand-mère, petite vieille discrète elle aussi, peu prompte à essuyer les colères tonitruantes de sa fille.

Inconditionnelle du Caudillo, Carmen applique à sa famille les préceptes du régime et fait régner la terreur avec un but ultime, un rêve secret qui ne demande qu’à se réaliser : montrer aux yeux du monde sa toute puissance  en  choisissant pour sa fille unique le plus beau des partis.

Mais un premier grain de sable se glisse dans sa parfaite conception de l’ascenseur social : Milagrosa est disgracieuse, sans charme, maladroite, sans atout…Cette prise de conscience accablante pour l’orgueil d’une mère telle que Carmen n’est en outre que le début de ses soucis. Une inattendue histoire d’héritage va mettre le feu aux poudres et précipiter les événements…

Milagrosa, premier roman de Mercedes Deambrosis paru en grand format aux éditions Dire en 1999 est un roman à la fois cruel et drôlissime. Comment se construire sous la férule d’une telle matrone, comment s’épanouir quand l’image de soi que vous renvoie votre propre mère est aussi terne ? Les face-à-face mère/fille sont d’une violence – verbale – formidable mais traduits par des dialogues d’une telle vivacité que l’on ne peut s’empêcher d’en rire aussi très souvent. Cette mère vitupérante autant qu’excessive restera comme un modèle du genre !

Le talent de Mercedes Deambrosis est d’avoir réussi à peindre cette famille espagnole dans son quotidien pour mieux dire l’étouffement d’un peuple tout entier. L’histoire de l’Espagne est souvent au cœur des romans de cette romancière française née à Madrid : de La promenade des délices, splendide recueil de nouvelles consacrées à la guerre civile espagnole à son dernier roman Juste pour le plaisir qui plonge dans toutes les horreurs de la seconde guerre mondiale avec son cortège de lâches, de salauds et de petites gens ballottés par l’Histoire.

Milagrosa n’est pas un roman historique mais bien plus une parabole, à la croisée de l’intime et du politique, de la petite et de la grande Histoire et tout autant l’histoire d’un amour raté entre une mère et sa fille, l’histoire d’une défaite en même temps que naît la révolte.

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