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Une vieille histoire de fantômes

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 16/03/2016

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Hardskafi : le titre original du dernier Indridason recèle le mystère et la clé de la sixième aventure de notre policier islandais préféré, Erlendur Sveinsson. Pas d'inquiétude pour la prononciation, vous le trouverez en bonne place dans notre rayon Polars sous le titre français choisi par Métailié, à savoir Hypothermie. Car encore une fois avec le talentueux écrivain, cette terre lointaine familièrement appellée "le glaçon" (expression trouvée dans le passionnant premier roman Noir océan d'un nouvel auteur lui-même islandais, Stefan Mani publié chez Gallimard) donnera à son lecteur chaudement installé les frissons dignes de cet hiver des plus rudes...

Chez Indridason, tout commence toujours par la découverte d'un cadavre  : dans Hypothermie, nul doute que Maria s'est suicidée dans son chalet des environs du lac de Thingvellir si ce n'est une mystérieuse cassette d'enregistrement de sa récente visite chez un médium éveille le soupçon dans l'esprit d'Erlendur. Très affectée par le décès de sa mère deux ans auparavant, la victime aurait souhaité entrer en contact avec elle peu avant son terrible passage à l'acte. Si notre policier ne croit en aucun cas à la vie après la mort, ni même à Dieu ou à l'enfer, c'est mû par son vieil instinct et sa notoire passion des affaires de disparitions qu'il va de nouveau déterrer un passé oublié depuis des générations, tel qu'il nous l'avait révélé dans La Cité des Jarres (2005), La Femme en vert (2006), La Voix (2007), L'Homme du lac (2008) - ces quatre premiers volets sont parus en poche chez Points -  et Hiver arctique (Métailié, 2009). Ici, son enquête va l'obliger à agir seul (ses collègues Sigurdur Oli et Elinborg ne font ici que de brèves apparitions), ce qui renforce notre sympathie vis-à-vis de ce personnage solitaire, apathique, un peu lourdaud et toujours empêtré dans sa névrose familiale, mais tellement attachant ! Sa méfiance vis-à-vis de l'au-delà vont le porter à examiner de plus près cette curieuse histoire de fantômes et de croyances qui mêle progressivement à une étrange fusion mère/fille des expériences limites entre vie et mort lourdes de conséquences et de conspirations ainsi que l'écrivain français Marcel Proust...

 A la manière de son flic silencieux et déterminé, Indridason tisse des liens entre de curieux hasards qui font se rejoindre peu à peu passé et présent, se rencontrer des personnages aux secrets de famille enfouis et aux trajectoires pas si innocentes. Une nouvelle fois, à l'enquête principale vient se greffer une intrigue secondaire (autour de la disparition non résolue d'un lycéen en 1976)  qui, semble-t-il de prime abord, n'entretient aucun rapport avec la première jusqu'aux dernières pages qui vont faire tomber les masques les plus solides. La réussite de ce dernier opus et certainement de la "saga Erlendur" (Indridason avoue dans une récente interview que le style resserré des sagas islandaises influence son écriture)  réside en majeure partie dans ces subtils échos savamment entretenus entre l'enquête "officielle" et l' histoire personnelle, la tragédie fondatrice qui donne la clé de son taciturne héros dont l'existence s'est brutalement arrêtée à l'âge de dix ans.

"Hardskafi" qui signifie "obstacle infranchissable, muraille" est à l'image de cette douleur elle-même ancienne (Erlendur, tout comme son auteur, sont obsédés par le "temps", ses ravages et ratages) qui le libérera un jour peut-être de ses propres revenants. Nous comprenons que cette Faute existentielle prend alors racine dans cette très froide montagne de son enfance qui a enseveli à jamais son frère cadet Bergur alors que tous deux eurent à lutter contre une tempête de neige apocalyptique. Ce traumatisme (hypothermique, donc...) est de nouveau ici symbolisé par des crimes commis de sang "froid" ainsi que par les rapports "réfrigérants" (ou lentement promis au dégel ?) entre les personnages gravitant autour d'Erlendur en quête de ses propres réponses :  mention spéciale à sa fille Eva Lind et son fils Sindri qui campent de magnifiques personnages secondaires écorchés vifs mettant leur père face à ses désillusions, ses faiblesses et manques. Tous composent le tableau de désemparés terriblement magnifiés dans leur humaine désespérance pour l'un des plus grands moments de partage avec des lecteurs légitimement de plus en plus nombreux au fil des épisodes.

 

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