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Vieilles branches

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Une actualité de David V.
Publié le 24/08/2013

aron-tamasi.jpgFoin des auteurs de Budapest et de leur ironie dévastatrice, de ces cafés d'où émerge le bruit des conversations brillantes des collaborateurs de la revue Nyugat, de la renommée d'un Kosztolanyi, d'un Karinthy, d'un Marai toujours très en vogue (et dont on traduit tout désormais, ce qui n'est pas indispensable...), la magnifique littérature hongroise  nous envoie un miracle, absolument inclassable et traduit chez Héros-Limite, éditeur genevois de belle facture. Abel dans la forêt profonde est, de l'avis de Thierry Sartoretti, le préfacier, un roman qui occupe une "place particulière et fondamentale dans l'histoire de la littérature hongroise".

Son auteur, Aron Tamasi (1897-1966), a connu grâce à lui le succès puis la postérité car on l'étudie désormais comme un classique. C'est en tout cas un livre absolument inclassable qui semble défier le temps et nous plonge dans la forêt deTransylvanie à la suite d'un jeune garçon appartenant à la minorité hongroise de cette région passée sous domination roumaine. Parce que ses parents tirent le diable par la queue, le voilà nommé garde forestier en charge de montagnes de bois à écouler et négocier, sans expérience mais doué d'un sens de la répartie étrange qui le tire de bien des mauvais pas. Livré à la forêt il s'invente une philosophie de la vie, découvre la fidélité des animaux, la bêtise crasse et dangereuse des adultes, le pouvoir des rêves et la dureté d'un quotidien qui balaie toutes les espérances avec une constance qui met à mal sa naïveté. Les péripéties ne manquent pas comme dans tout roman d'apprentissage, car Abel découvre la cupidité (des autres) et l'envie (la sienne), la méchanceté des hommes et la consolation des livres. Sans doute très difficile à traduire pour en restituer la puissance primitive en même temps que la légèreté nimbée d'insolence (on saluera donc la traductrice Agnès Jarfas), Abel dans la forêt profonde que l'on comparerait volontiers au Giono provençal ou au Ramuz (qui participa et adapta la première traduction, plutôt infidèle) de la Grand peur dans la montagne (ce rapprochement pour en souligner l'importance) diffuse son charme entêtant grâce à sa musique faite de quelques notes à peine.  En cette période où beaucoup imaginent une consolation dans la fréquentation des grands espaces où l'homme perd de sa superbe, ce roman rare viendra apporter sa fraîcheur ironique. C'est trop exceptionnel pour n'être pas soumis à votre curiosité.

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