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Vies et morts dans le Bronx

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Une actualité de Marie-Aurélie
Publié le 28/10/2015

9782823609158,0-2747928"Quand on parle de Boy George, on parle soit du chanteur soit de moi."

A 18 ans, George « Boy George » est un très gros trafiquant d’héroïne, son produit star « Obsession »  lui rapporte un million de dollars par semaine. Son procès l’envoie en prison à perpétuité à la fin des années 80. Adrian Nicole LeBlanc, jeune journaliste de 25 ans est envoyée sur place pour couvrir le procès. Le personnage de Boy George, son entourage et son quartier deviennent pour LeBlanc une source de fascination et de questionnements. Pendant douze ans, la journaliste va suivre sa « famille »  et livrer un reportage inédit et incroyable sur la vie d’un des quartiers les plus pauvres du Bronx.

Après la condamnation de Boy George, LeBlanc suit particulièrement Jessica, une des petites amies du trafiquant, elle-même impliqué dans le buisness ; Cesar, le petit frère de celle-ci qui deviendra un « dur » et Coco, le premier amour de Cesar. A travers les vies de ces trois jeunes, la journaliste dresse le portrait de destinées qui semblent ne jamais trouver de répit et se répéter à l’infini à travers les différentes générations.  Jessica, mère de trois enfants est envoyée en prison, à cause de son implication dans le trafic de drogue de Boy George ; Cesar, plusieurs années plus tard est également arrêté pour le meurtre involontaire d’un de ses meilleurs amis : lors d’une fusillade, il a accidentellement tiré sur son ami. Coco, mère de deux des enfants de Cesar, se retrouve seule pour élever ses filles et tombe successivement enceinte de ses nouveaux compagnons.

Sur une décennie, chacun d’eux doit apprendre à vivre avec les erreurs du passé, tant les leurs que ceux de leurs parents et des générations passées qui n’ont pas su ou pu s’affranchir des conditionnements de la vie du Bronx, entre drogues, sexe, enfants et prison. Pourtant Jessica et Coco vivent dans la hantise de ressembler à leurs mères dépressives, maltraitées par des compagnons violents et drogués, délaissant leurs enfants et en particulier leurs filles, faisant d’elles les proies faciles des abus sexuels. Les femmes d’aujourd’hui reproduisant à l‘identique les situations dont elles ont été victimes enfants ou adolescentes. Les hommes, emprisonnés pour des années, se retrouvent loin de leurs familles, dans l’impossibilité de prendre soin d’elles et de connaître véritablement leurs enfants.

A un moment donné tous semblent être partagés entre « la rue » et une vie rangée, aussi terrifiés par l’un que par l’autre. L’impuissance évidente des institutions comme l’école ou les services sociaux à apporter des solutions aux familles dont la misère sociale, financière et affective est inimaginable à quiconque n’y a pas été confronté de plein fouet, est désespérante. La prison ou les centres de détention apparaissent parfois comme une situation enviable à ceux qui sont restés dehors : la perspective d’avoir un toit, de la nourriture, parfois même des règles et une éducation inaccessibles dans la rue créée un semblant de cadre sécurisant pour tous ceux qui sont conscients de n’avoir rien de plus à espérer au dehors.

Et pourtant c'est bien d'espoir dont il est question parmi les 700 pages des Enfants du Bronx, l'avenir que s'imagine Coco, Jessica, César et les autres pour eux-mêmes et pour leur progéniture. Loin des clichés mais embourbé dans une réalité bien plus rude, le récit de Adrian Nicole Leblanc est un chef-d'œuvre d'observation et d'analyse sociale et psychologique.

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