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L'assassin à la pomme verte de Christophe Carlier

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Une actualité de Adeline
Publié le 04/06/2014
Les pas feutrés du garçon d’étage sur la moquette, une conversation à voix basse entre élégantes dans un salon de l’hôtel. Un homme d’affaires, seul, qui sirote un verre au bar. Un employé stoïque au costume impeccable mais à l’affût, un assassin qui rôde ! Les rampes d’escaliers lustrées, les chariots à bagages dorés ... Le silence assourdi … Le bien-être du voyageur enfin arrivé. Ce lieu est une pause pour les vies trépidantes des clients, une parenthèse. Palace romancé et imaginaire, le Paradise est le théâtre propice aux complots de gentilshommes et aux batifolages des grandes de ce monde. Discrétion assurée par le personnel. Une belle inconnue italienne, un psychopathe qui s’ignore, un homme qui semble mener plusieurs vies, un crime, un réceptionniste à l’écoute de ses clients… mais peut-être un peu trop … Qui est qui véritablement ? Un homme est mort. Est-ce un meurtre ? La peur et l’excitation se mélangent, rendant le crime sensuel et charnel. L’anecdote est croustillante. Christophe Carlier nous plonge tout en délicatesse et en poésie dans la quiétude d’un palace parisien réveillé par le meurtre d’un de ses clients. En quelques lignes, l’auteur dessine les contours et les décors de l’intrigue à la manière de Sempé, tout en finesse et en légèreté. Il laisse tout loisir à l’imagination du lecteur pour faire de ce monde le sien. Tout simplement. D’Agatha Christie, l’auteur en reprend l’ambiance, l’élégance, les personnages hauts en couleur. De l’intrigue, il en fait une poésie, un sursaut dans le sommeil infini de ce palace. Christophe Carlier colore son œuvre de fines touches plaisantes d’humour et de macabre, de tendresse et d’érotisme. Par plusieurs voix, il raconte les faits, laissant le lecteur apprécier la culpabilité de chacun. L’invitant, le tentant, et l’égarant. Espiègle et malin. L’auteur manipule subtilement le lecteur, il s’amuse. Tout comme Mozart le disait de la constance des femmes, qu’il existe cet assassin chacun le dit, mais où le trouver, personne ne le sait. Aussi anonyme que l’homme à chapeau melon de Magritte, l’assassin à la pomme verte porte bien son nom. Mais qu’est-ce que cette oeuvre ? C’est un roman à la lisière du polar et du poème, de la tragédie et de l’histoire d’amour, relevé d’une pointe d’humour. C’est le frémissement d’une belle endormie. Un frémissement des sens, aphrodisiaque … Hélas ! Ce fut trop rapide ! Aussi bref et intensif qu’a été le séjour des personnages du Paradise, le temps reprend son cours et les chemins se séparent. Comme au matin d’une douce nuit, la lecture achevée, il ne nous reste qu’une part de rêve, le souvenir d’un lieu où le temps était suspendu, intemporel … Mathieu DEKEUKELAIRE