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Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar

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Une actualité de Adeline
Publié le 04/06/2014
J'avais quinze ans quand, au cours d'une leçon de latin, j'ai rencontré Antinoüs, ce jeune homme d'une beauté presque irréelle que l'Empereur Hadrien avait aimé au point de refuser pour lui la mort comme finalité. Alors que d'autres élèves riaient, gênés par le récit d'un amour entre deux hommes d'âges si différents, ses yeux baissés semblaient vouloir me raconter une histoire plus complexe depuis les pages glacées de mon livre scolaire. Cette histoire, ce n'est que six ans plus tard que je l'ai entendue, lorsque les mots de Marguerite Yourcenar me sont enfin parvenus. Les Mémoires d'Hadrien sont le testament épistolaire que fait l'empereur Hadrien à son héritier, le jeune Marc-Aurèle, alors qu'il sent s'approcher la mort. Hadrien lui confie le récit de ses vies, celle d'homme et celle de dieu parmi les hommes. Il y évoque sa jeunesse, son accession au trône, ses combats, son règne, son désir de paix et de justice, ses questionnements, ses vérités. Des livres, il dira qu'ils ont été ses premières patries, car le véritable lieu de naissance est celui où l'on a porté pour la première fois un coup d’œil intelligent sur soi-même. Il y parle aussi de ses douleurs, de ses peines, des guerres nécessaires et de celles qu'il aurait voulu éviter à tout prix. Antinoüs, le jeune bithynien avec qui il a vécu le plus grand bonheur et le plus grand malheur de sa vie, hante son récit. De sa mort par noyade dans le Nil, Hadrien reste inconsolable. Le jeune homme, qu'Hadrien aura à la fois beaucoup aimé et fait souffrir, choisit de se suicider par amour, pour préserver à jamais ce sentiment en son zénith et lui éviter la lente dégradation en indifférence ou amitié. Hadrien fera de son amant un dieu en poursuivant son image dans les statues et bustes qu'il commande aux artistes de son règne.   Au fil des mots, Hadrien a pris pour moi la voix d'un vieil ami illustre me transmettant l'héritage d'une philosophie, gage d'une élévation de l'âme, avec laquelle nous avons malheureusement coupé les ponts. Si le récit, bien que beau à pleurer, n'est pas facile d'accès, la perfection des mots de Marguerite Yourcenar et la sagesse dont ils sont imprégnés récompensent très largement l'effort. Leur lecture m'a laissée bouleversée, pensive, grandie. Tel Marc-Aurèle à la veille de son règne, j'ai senti qu'en gardant ces mots prêts de mon cœur, je serais prête à affronter la vie, avec tout ce qu'elle comporte de merveilles et d'épreuves. Laure PARADIS