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Sur la route de Jack Kérouac

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Une actualité de Adeline
Publié le 04/06/2014
Parler du rouleau original de Sur la route, écrit par Kerouac en 1951 et refusé par les éditeurs car jugé trop confus, c’est parler de la vie et de son mouvement, de sa fulgurance. De son insatiabilité, aussi. Sur le rouleau de quarante mètres de long, les retours à la ligne sont bannis par un auteur qui écrit ce roman aujourd’hui acclamé par la critique en quelques jours seulement. La vie est flux écrivait Nietzsche. Kerouac précise : la vie est flux mais on peut y échapper. « Et j’ai compris que quoi qu’on fasse, au fond, on perd son temps, alors autant choisir la folie. » Choisir la folie avec Kerouac, c’est choisir d’être ébloui par la puissance du désir. Prendre la route, c’est prendre le contrepied de l’implacabilité des choses. C’est se poster face au temps qui file et lui dire d’aller se faire foutre. Le coup de force de Sur la route se situe aussi à ce niveau : le langage déployé avec ferveur par le narrateur contamine celui du lecteur. Sur la route se traduit par un système de langage propre, percutant, sans concession. Comme Le Voyage au bout de la Nuit de Céline, Sur la route est de ces écrits qui fonctionnent comme des microcosmes, qui ont leurs lois, leurs systèmes, leur beauté irradiante. Je suis toute petite face à cela. Dans cette version à la linéarité de la fureur littéraire et humaine, je m’éloigne de la fiction : Dean Moriarty n’est plus et laisse place à l’authentique Neal Cassady, le vrai, celui qui a existé et accompagné Kerouac sur les routes d’Amérique. Le récit colle si bien au réel que je me vois dans cette voiture misérable à la destinée superbe. Je me vois sillonner des territoires dont l’hostilité n’est rien parce que c’est le cheminement qui compte. Le voyage est infiniment plus que lui-même. Le personnage de Neal Cassady, véritable objet d’étude et d’admiration pour Kerouac, a la magnificence de ceux qui font de la passion le maître mot d’une existence hors du commun. Capable d’aimer démesurément, comme les êtres d’exception savent le faire, Neal me fascine. En surhomme aux curseurs au-dessus de toute norme, il ne peut vivre autrement que dans l’excès. Comment savoir que l’on est sustenté ? Face à la démesure de son être et à un désir hypertrophié, la société dans laquelle il évolue est trop étroite. Prendre la route, c’est prendre la fuite hors d’un monde davantage source de remontrance que de satisfaction. C’est par la route qu’il se sauve. C’est par cette route que je me sauve, fuyant un réel qui a déjà tout dit. Laure GARDIN