Chargement...
Chargement...


Un Singe en Hiver, d'Antoine Blondin

no_media
Une actualité de Adeline
Publié le 20/04/2016
Antoine Blondin écrit en 1959 « Un singe en hiver ». Le roman sera adapté 4 ans plus tard au cinéma par Henri Verneuil avec des dialogues de Michel Audiard. Blondin parle ici de boisson et de ceux qui la boivent. Mais ce n’est pas vraiment le sujet. Ce n’est jamais vraiment le sujet. Car la boisson est une échappatoire, un chemin qu’on traverse alors que la nuit tombe pour s’enfoncer en nous même ; elle permet aux personnages de s’envoler de leur vie, qu’elle soit monotone ou pleine de responsabilités. On découvre l’histoire de Gabriel Fouquet, publicitaire parisien qui après un chagrin d’amour vient chercher sa fille dans une petite ville de la côte normande. Il y rencontre l’aubergiste Albert Quentin, sobre depuis 15 ans, qui va se laisser progressivement séduire par une dernière aventure éthylique. Par une narration habile, on entre successivement à l’intérieur des personnages : Gabriel, Albert ou Mme Quentin. On y découvre ce qu’ils sont réellement, passé le style que chacun d’entre eux se donne. Albert, avait décidé à la fin de la guerre de renoncer à toute ivresse si son hôtel lui était rendu intact. Le vœu maudit se réalise, il ne connaitra plus les grandes virées dans toute la Normandie. Il sera « le bonheur rangé dans quelque armoire », passant ses journées à mâcher des bonbons pour faire passer l’envie de boire, rêvant ses souvenirs asiatiques. Mais le gamin Fouquet qui traine des semaines à l’hôtel, sans qu’on sache pourquoi, devient l’âme de la maison. Le vieil homme aperçoit en lui le fils qu’il n’a jamais eu et se met à regretter l’ivresse. Elle, qui lui faisait descendre à l’époque le Yang Tsé-Kiang ; matelot à moitié pirate représentant comme bon lui semblait les intérêts de l’Empire. Parce que Fouquet a les mêmes délires, et que son Indochine s’appelle Madrid, son fleuve les corridas, les deux hommes se sentent attirés l’un vers l’autre. Marie, son amie l’a quitté. Alors il ne peut s’empêcher de remarcher avec elle dans les jardins du Prado à Madrid, à jouer au Toréador dans les rues agitées de Tigreville avec Quentin comme chaperon, comme père. Mais derrière ces moments grandioses et poétiques, on va avec Blondin se balader dans les ruminations de ces personnages. Fouquet observe sa fille qui réside dans un pensionnant local, il la suit et la contemple. Il vit au travers de ses espionnages une vie de famille heureuse. Il connaît tout d’elle et voudrait se voir dans chacune de ses tristesses mais doit bien reconnaître qu’à ne pas se montrer, il reste loin de ses préoccupations. Alors elle vie sa vie de petite fille, amoureuse et rebelle. Et lui, retourne vers son calvados qui ne demande pas tant de responsabilités et nous sommes assis à côté de lui au comptoir de chez M. Esnault. En définitive il faut lire « Un singe en hiver » d’Antoine Blondin parce qu’il nous emmène dans un voyage fait de poésie sans quitter les côtes normandes. Un voyage qu’on vit tant en Asie et en Espagne que dans les pensées belles et compliquées de nos trois personnages. Jean Roquain