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Charlotte

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Publié le 13/05/2019
Charlotte de David Foenkinos
Roman en vers libres, Charlotte raconte Charlotte, peintre juive née à Berlin en 1917, victime de la barbarie nazie vingt-six années plus tard. Longtemps, il est resté sur ma pile de livres à lire ; celle où trainent les lectures que l’on sait nécessaires, mais que l’on craint de ne pas savoir apprécier à leur juste valeur. Les critiques étaient unanimes, pourtant je redoutais l’hagiographie. On a trop souvent tendance à verser dans un pathos emphatique lorsqu’il s’agit d’honorer la mémoire des destins tragiques.

Découverte des premières pages et mon appréhension envolée. Les phrases courtes et précises se succèdent, rythmées par un permanent retour à la ligne. Enivrée par cette chamade folle que je voudrais éternelle, je découvre Charlotte. Portrait d’une femme qui tente de faire fleurir sa vie, malgré toute l’hostilité du terreau sur lequel s’ancrent ses racines. Ballotée entre la grande histoire rudoyée par le nazisme, et l’histoire familiale hantée par une macabre succession de suicides, tant bien que mal Charlotte trace sa vie. Les mots pudiques évoquent l’art, l’injustice, le désir, la fuite, la beauté, la peur, l’entraide, la lâcheté, l’amour, l’épuisement ; le sublime se mêle à l’abominable, racontant la vie dans son entièreté crue. Le style dépouillé amplifie la rudesse du vrai, la ponctuation donne la mesure de l’ineffable. On ne ressort pas indemne d’une telle lecture. On est touché beaucoup, bouleversé surtout.

Contée avec sobriété, cette histoire vient saisir les tréfonds de l’âme. Elle nous habite, nous chamboule, nous offre l’humanité. Pétrie de doutes, riche de ses failles, Charlotte n’est pas l’héroïne d’une tragédie fabulée, mais une fabuleuse artiste à la destinée aussi cruelle que réelle. Fuyant la noirceur du monde qui l’entoure, elle trouve sa catharsis en peignant l’imaginaire en couleur. Épatante de résilience, Charlotte nous accable d’empathie et nous invite à penser la vie.

Un récit comme un diamant brut. De la simplicité nait l'émotion pure.

Bibliographie