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D’abord, ils ont tué mon père

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Publié le 09/05/2018
D’abord, ils ont tué mon père de Loung Ung
Imaginez seulement : vous avez 6 ans, vivez une existence heureuse au sein d’une famille tant aisée que soudée et du jour au lendemain, votre univers vole en éclat.
Ce récit, c’est celui vécu par un tout pays le 17 avril 1975, lorsque les khmers rouges prennent le pouvoir au Cambodge après une guerre civile sanglante et décident de vider toutes les villes de leurs habitants, officiellement pour éviter les bombardements américains à venir, officieusement car l’Angkar, littéralement « l’organisation », a d’autres projets pour les citadins.

Dès lors, la vie de Loung et des siens vont basculer à jamais. Ils seront baladés, 4 ans durant, de village en village dans la campagne cambodgienne, endurant des conditions de vie toujours plus difficiles, en proie à la faim, au manque de soin et, sans doute le pire de tout, au désespoir.

Elle verra disparaître les membres de sa famille les uns après les autres, en commençant par son père. Pourtant, elle fera montre durant ces 4 ans d’une force de caractère exceptionnelle, ne renonçant jamais à vivre, pour la mémoire de ses proches disparus mais aussi dans l’espoir d’une vengeance future.

La grande force de ce récit est, de mon point de vue, de dépeindre cet enfer par les yeux d’une fillette encore innocente de 6 ans, loin de toutes considérations politiques. Arrachée à la chaleur et au confort de son foyer, contrainte de travailler comme une forcenée dans les champs, assistant à l’immuable déclin de sa famille, et finalement prête à toutes les extrémités pour survivre.
Comment a-t-elle trouvé la force de survivre dans de pareilles conditions de vie, là où tant d’adultes vigoureux ont péri ? Comment se remettre de la disparition de son père, son modèle, exécuté au nom de son titre d’ancien policier du régime renversé par les khmers rouges ?

J’ai été bouleversé par ce livre traduisant avec un froid réalisme l’évolution de Loung, de l’incompréhension des débuts, au désespoir et à la culpabilité lors qu’elle volera du riz à sa propre famille, et enfin sa féroce volonté de survie, animée par la haine et son désir de vengeance. Le régime de Pol Pot aura fait d’une petite fille apeurée, comme des millions de ses semblables, une boule de haine et de violence, ne rêvant que de retourner les armes auxquelles elle sera formée par les khmers rouges contre ces derniers.

La fin « heureuse » du récit, Loung survivant en compagnie de certains de ses frères et sœurs, me paraît presque anecdotique car je vois plus ce livre en qualité de récit du génocide cambodgien que comme l’histoire d’une famille en particulier. C’est près de 25% de la population cambodgienne qui sera précipitée à la mort durant les 4 ans de gouvernance de Pol Pot, malnutrition, manque de soin ou exécutions aidant.
Finalement Loung Ung a su faire fi de son désir de vengeance et a notamment consacré sa vie à témoigner de ce qu’elle avait vécu, pour que l’histoire du peuple cambodgien sous le Kampuchéa démocratique ne tombe jamais dans l’oubli.

Bibliographie