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Dégoût

kedgejettelencre2020
Publié le 17/06/2020
Dégoût de Laetitia Chazel
Il est brulé, défiguré, le nez atrophié et il avance désabusé dans les vestiges de ce que fut sa vie. Sa belle gueule de jeune avocat à succès n’est plus que boursouflures et cicatrices violacées, son mariage n’a de témoignage que dans les papiers de son divorce. Privé d’odorat, de gout et de libido depuis son énigmatique accident de moto, il a depuis longtemps oublié ce qui faisait le sel de son existence. Quand le monde se déleste de sa dimension invisible, il n’en devient que plus morne et sans couleurs. Alors c’est décidé, puisque tout est vain, ce soir dans une dernière mise en scène, enfilant le costume de la normalité, il se donnera la mort.

A moins que la vie dans sa bonté maligne n’en ait décidé autrement, réservant à Barthélémy un rôle de composition. Dépourvu d’odorat certes, il en a toutefois développé la capacité de sentir la noirceur gens, dans leur essence, leur intériorité, pour déceler, d’une crise d’épilepsie annonciatrice, ceux dont les motivations sont douteuses.

Avec Dégoût, nous embarquons alors dans le luxe feutré et confidentiel des palaces, ceux de l’homme d’affaires secret et mégalo Rosario Romano qui s’est empressé de mettre à profit le don de Bart dans l’expansion de son empire financier. Des restaurants gastronomiques aux menus ésotériques, délices d’initiés, où finalement la peine de Bart est la nôtre, ne disposant que de leur description pour en capter la saveur, les fumets ainsi que toute la frustration qu’ils dégagent. Le décorum est en place, laissons maintenant faire le théâtre des illusions.

Le récit est effréné, les affaires n’attendent pas, de berlines en jets privés de palace en palace, les « consultations » s’enchainent et les crises aussi. Oracle des temps modernes. Les muscles se raidissent, le visage se contracte ses cicatrices le brulant davantage, les mains s’agitent de soubresauts, il convulse, en pleine crise, un instant, le verdict est donné. L’entourage de RR est scanné, les accusés condamnés.

Les rôles s’inversent et Bart anciennement du côté de la défense devient le juge d’une justice qui le dépasse, d’un don dont il ne connait les origines, renifleur du mal, il n’en est qu’anosmique extralucide. Il lit sur les visages toutes les passions et les crimes. Il sent dans un regard les desseins obscurs qui les animent. RR gonflé d’orgueil avec son arme secrète, mais sacrément novatrice, enfile le masque de la confiance tant recherchée, rien ne l’arrête dans ses affaires, dans ses arrangements, à l’amiable ou forcés.

Mi pare sentir odor di femina, la seule qui lui résiste. A trop se croire invincible, le danger ne se fait plus sentir. Avec tant de pouvoir et d’emprise sur le futur, le passé finit par se faire oublier, qui resurgit sans crier gare, entremêlant les destins et brouillant le rôle des victimes et des coupables.

Bibliographie