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Exercices de style

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Publié le 09/05/2018
Exercices de style de Raymond Queneau
Il me fallait du fort, mais sans états d’âme, je ne voulais pas d’histoires, mais quoi alors ? Ce matin vers 6h, dans une autre ville, une bombe avait explosé dans un autobus. Il était 10h maintenant et on palpait le morose dans la rue piétonne. Je suis rentrée dans la façade bleue de la librairie. Il me fallait à lire.

Sur une table, ce bouquin menu dans lequel j’ai lu au hasard d’une page : « cet autobus avait un certain goût. Curieux mais incontestable. Tous les autobus n’ont pas le même goût. », ou sur une autre page : « dans un autobus (qu’il ne faut pas prendre pour un autre obus), je vis (et pas avec une vis) un personnage…. ».

L’auteur Raymond Queneau a titré son créatif et signifiant ouvrage, « Exercices de style ».
Il y réalise cette prouesse de nous raconter la même histoire, à l’intérêt discutable, d’une incivilité ordinaire dans un moyen de transport en commun. Il y papote même tenue vestimentaire, le tout entre 6 et 15 lignes et de 99 voix et accents différents ; du sonore à lire à haute voix… 99 leçons de grammaire, coups de théâtre, bouffées de poésie et rappel sur les sapes !

Il y parle 99 fois de pieds écrasés et de bouton défait. Il le sait, l’attitude et les nippes sont aussi des attributs de style. Il ne sous-estime en rien, l’importance de la mise.
Raymond Queneau, cet ami des surréalistes et fanatique du verbe, nous donne à lire la tolérance joyeuse face à tous nos accents, nos niveaux de cultures différents, nos éducations, nos façons de nous raconter les moindres broutilles de la vie quotidienne. Nos manières sont prouesses joyeuses, les 99 nuances du bleu de la liberté de dire.

Il mixe avec géni les timbres de chacun offerts aux autres avec impertinence et facétie. On y croise le son du désinvolte, de l’impuissant, du paysan, du précieux ou de l’injurieux mais on y rencontre aussi le visuel, l’olfactif ou le tactile.
Nous y sommes tous et les autres avec nous, en quelques lignes dans lesquelles nous sommes tous les autres aussi.
L’auteur qui met son érudition en tenue de « stand up » nous enseigne d’un trait de plume et sans pontifier « les polyptotes », les « Aphérèses » ou « les apocopes », deux pages avant de nous faire rire encore sur un : « voilàtipas » du « vulgaire ».
On ferme ce petit livre ragaillardi et un brin euphorique, traversé d’une bouffée d’envies de lire à haute voix, dans un hymne universel à nos langues, un sale jour d’attentat, toutes ces bonnes nouvelles de nos différences.

Il incite à compléter seul ce cabinet de curiosités, avec les prismes linguistiques d’un snob, d’un rappeur, d’un furieux, d’un hipster, d’un survolté, d’un fainéant ou d’un cynique selon l’actualité, à notre guise et d’en orchestrer toutes les mélodieuses singularités.
Merci pour ce bouquin Raymond, c’est bien bon ; « une vraie noisette », dirait le « gustatif ».
Au fait, comment la raconterais–tu l’histoire dans la langue d’un «  Terroriste » ?
Je me sentais mieux, « Je suis Raymond !» résonnait dans ma tête et je suis parti offrir ce bouquin à mon frère.

Bibliographie