Lorsque j’ai découvert Romain Gary au lycée, je suis immédiatement tombée sous le charme de son style d’écriture, comme tant d’autres avant moi. Ainsi, lorsque j’ai repéré dans la bibliothèque de mon frère le Gros Câlin d’Émile Ajar, je n’ai pas hésité longtemps avant de l’emporter dans ma valise.
Gros-câlin, c’est le nom d’un python dont Cousin s’est épris lors d’un de ses voyages. Cousin est un célibataire de 37ans qui se sent très seul, qui vit une relation imaginaire avec sa collègue Mlle Dreyfus et qui se perd au milieu des millions d’habitants de la capitale qu’est Paris.
Dès la lecture des premières pages, j’ai rencontré un style confus : celui de Cousin, écrivant au fil de ses pensées décousues. On comprend assez rapidement que l’on a à faire à quelqu’un qui peine à trouver sa place dans la vie, ce qui le rend d’autant plus attachant à mon sens.
Toute cette histoire raconte l’histoire d’un être solitaire dans un monde fait pour être à plusieurs. Il le répète d’ailleurs à plusieurs reprises « Quelqu’un à aimer, c’est de première nécessité ». Pour Cousin, la vie n’a pas d’objectif autre que de trouver sa paire avec qui vivre. Pourtant, lui n’arrive pas à la trouver. Il est perdu dans la marée humaine de Paris et ne parvient pas à réaliser l’objectif de sa vie. Alors il vit en s’imaginant une histoire d’amour avec Mlle Dreyfus qui lui accorde des sourires dans les ascenseurs, il vit en allant « aux bonnes putes » comme il les appelle afin de profiter un peu d’échanges humains et il vit en donnant son trop-plein d’amour à un python de 2m50 qu’il cache dans son appartement. Pendant que je découvrais le quotidien et l’univers de Cousin, je me trouvais moi-même confinée dans une maison avec 24 jeunes adultes. On pourrait se dire que cela occupe pendant la quarantaine, que le nombre facilite la recherche de semblable.
Pourtant, je pense que c’est l’inverse. Cousin ne trouve pas sa place parce qu’il y a trop de monde autour de lui. Il ne sait plus où donner de la tête, comment se comporter. Alors il se fait discret et se laisse porter. Mais ce faisant, il se sent de plus en plus en trop au milieu de tous ces groupes. Comme cela nous arrive à tous beaucoup plus souvent qu’on aime à le dire. « Moins on existe et plus on est de trop » s’est alors imposé à moi avec une véracité étonnante.
En ces temps de solitude forcée, Gros-Câlin m’a apporté un souffle nouveau. Il m’arrive désormais moi aussi de m’endormir en m’imaginant qu’un python vient faire des nœuds autour de moi en guide de réconfort. Mais surtout, il m’a permis de relativiser sur ma situation et m’a rappelé qu’en ces temps compliqués, il est de notre devoir de faire attention aux Cousins qui sommeillent dans la ville.
En cette période de quarantaine, un grand nombre d’individus se retrouve confiné, seul, et ressent plus que jamais la solitude. « Cessez un peu de penser à vous-même. Pensez à eux, à toutes les difficultés qu’ils ont pour vivre, vous vous sentirez mieux. On ne peut se passer de fraternité pour vivre mieux. »