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Jubilations vers le ciel

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Publié le 09/05/2018
Jubilations vers le ciel de Yann Moix
En ce jour de mi-printemps caniculaire, je déambulais dans les allées désertes d’une enseigne de distribution dite « culturelle » et à en juger par le flot continu de va-et-vient au rayon technologique et le peu de promeneurs dans celui des livres, la culture s’avérait davantage connectée qu’intellectuelle.

Lorsque les œuvres figurant sur l’une de mes nombreuses listes – à savoir celle des œuvres à lire à court et moyen termes – furent ajoutées au panier métallique, mon regard se porta sur deux romans du même auteur ; ils affichaient une couverture criarde avec des formes plus ou moins géométriques mais le second ne possédait pas les teintes orangées (couleur que j’exècre), du premier. Le titre m’intrigua : « Jubilations vers le ciel » de Yann Moix. Il demeure étrange que ce livre arriva entre mes mains puisque, outre le style de cette édition de poche qui a probablement causé quelques cécités, la 4ème de couverture me laissait entrevoir une vague histoire d’amour, thème quelque peu rebutant à mes yeux.
Je fis pourtant abstraction de ces détails au profit d’un titre trop empreint d’humour pour être malhonnête (« jubilations » et « ciel », l’attente joyeuse, intense et impatiente de la mort).
J’ajoutai ce livre à ma sélection et décidai même de commencer mes lectures par celui-ci.

Une histoire s’amour, tout ce que ce livre ne dépeint pas ou alors elle se révèle brumeuse, unilatérale, narcissique voire cannibale.
Le narrateur Nestor tombe amoureux d’Hélène dès leur première rencontre. Pendant plusieurs décennies il va l’aimer uniquement, follement, gravement, funestement, sans qu’elle ne connaisse son identité. La vie d’Hélène défile sous nos yeux, filtrée par le regard de Nestor, dont les approches indicibles se multiplient sans suite sinon ce récit fabuleux qui passe du registre ironique au cynique, jonglant entre enthousiasme débordant et tristesse poétique. Yann Moix transcende la relation amoureuse et offre un magnifique texte sur l’idéalisation de l’enfance, la cristallisation de certains moments, le temps qui passe, la crainte face à la vieillesse et au corps changeant. Sous sa plume, le vulgaire devient lyrique, Hélène de Troie et Nestor le crucifié se croisent, se ratent, se cherchent, ne se trouvent jamais si ce n’est pour l’éternité.

Je ne présageais pas un tel art dans le ton singulier, mélange saccadé et recherché de l’écrivain, qui en fait à mon sens le digne héritier littéraire de Céline.
L’idée que je rejetais de la traditionnelle histoire d’amour a été mise à mal par ce récit riche et profond qui engendre la réflexion et crée l’envie de se plonger dans l’univers tout aussi particulier, presque maniaque, des œuvres suivantes de Yann Moix, déclinant le thème de la relation amoureuse de la plus belle écriture qui soit depuis le milieu du XXème siècle.

Bibliographie