Souvent méprisée, la science-fiction est pourtant un formidable moyen de remettre en question les modèles politiques, économiques et idéologiques actuel. Roman précurseur, peut-être prémonitoire, La Zone du Dehors réussit le tour de force d’ébranler nos convictions quant à la fiabilité de la démocratie et de la République.

Premier roman d’Alain Damasio, sorti en 1999, le roman présente Cerclon, une colonie humaine extraterrestre créée suite à la quatrième Guerre Mondiale ayant laissée la Terre irradiée par des résidus atomiques. Véritable res publica où chaque citoyen porte un nom relatif à son degré hiérarchique dans la société, les (in)dividus se jaugent et se jugent mutuellement pour nominer ceux qui méritent de gravir l’échelle sociale. Un important dispositif de contrôle est en place afin que les citoyens se surveillent entre eux et puissent se noter. Dès lors, certains sont privilégiés car nécessairement plus méritants et bénéficient d’avantages comme des accès privilégiés dans certains lieux. Face à cette république démocratique mais un tant soit peu autoritaire, où la méritocratie est poussée à l’extrême, se dresse la Volte, groupuscule (ré)volutionnaire qui œuvre pour une prise de conscience de l’aliénation de la société.

Le livre comporte les caractéristiques qui deviendront des signatures de M.Damasio : un changement régulier de narrateur permettant d’exprimer les différents modes de pensée des personnages, ainsi que de nombreux jeux de mots plus recherchés les uns que les autres invitant le lecteur à avoir sa propre réflexion sur la composition et le sens de termes que nous employons chaque jour. Ces éléments ne sont pas des artifices : M.Damasio nous invite à avoir notre propre réflexion sur la société, il donne la parole aux (ré)volutionnaires principalement il est vrai, mais son pendant caractérisé par le Président de Cerclon a également son temps de parole. Le penchant de M.Damasio pour les anarchistes est sensible, toutefois à travers ce livre il souhaite engager un débat plus que nous convaincre, et il nous invite à réfléchir sur l’aliénation de la société.

Bercé dans un monde Rousseau-iste où l’ordre est garanti par un contrat social, où la démocratie suggère que nous détenons chacun le pouvoir décisionnaire, ce livre nous invite à remettre en question ce que nous connaissons, pour en revenir à la définition la plus sommaire de la liberté, celle qui consiste à agir librement, que ce soit légal, moral ou non, et il nous pousse par conséquent hors de notre zone.