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Le Corps des Autres par Luc Barbezat, Christophe Métayer et Lucile Cluzeau

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Une actualité de Pierre
Publié le 18/05/2016
Le Corps des autres : Enquête d'un historien, sur un métier très stigmatisé, le métier d'esthéticienne. Basée sur les témoignages d'une douzaine de femmes différentes. Cette investigation a pour but de déterminer la féminité actuelle. Actuellement les femmes de notre société sont confrontées à un idéal féminin, inaccessible et irréel forgé dans le virtuel. L'homme est ici représenté comme vecteur de l’aliénation de la beauté chez la femme. Cependant, la réalité est là, chaque femme est unique. En effet, il y en a des petites, des grandes, des minces, des rondes, des blanches, des métisses, et face à cette vérité, la plupart des femmes plongent dans le déni de leur unicité. Elles optent pour le choix du conformisme en subissant des régimes et des épilations. C'est ici qu'intervient l'esthéticienne, définit comme « fée de la beauté » .Ce statut social peu valorisé évoque une réalité méconnue du grand public. Le stéréotype de la femme centrant sa vie sur la superficialité est en effet très répandu. L’enquête d'Ivan Jablonka trouve ici toute son utilité, en fissurant et en brisant les stigmates portés par cette profession. La majorité de la société juge souvent que les métiers de l'esthétique sont choisis par défaut, par manque de rayonnement durant la scolarité, ou par vision faussée du glamour. Le Corps des Autres induit le lecteur à reconsidérer sa vision originelle envers une profession méprisée. Le statut d’esthéticienne ne se résume pas seulement à maquiller et pomponner. Une femme qui trouve dans son lieu de travail, des pinces à épiler et de la cire chaude est-elle si différente d'une femme usant de scalpels ou de bistouris ? Cette femme, à la fois sociologue et psychologue au contact de sa clientèle, joue un rôle essentiel dans nôtre société. Elle ne sauve pas des vies, cependant à l'aide de son savoir faire, elle permet d'amener du bien-être là où il est absent. Voici une possible explication de la diversité des cabinets d'esthétiques dans l’hexagone. L’enquête permet aussi de mettre en lumière la difficulté de cette profession, à la fois peu rémunérée et physiquement éprouvante. Le contact avec le client ou la cliente est souvent une prise de risque. Effectivement, une majorité de la population n'accepterait pas de se retrouver confronter à un inconnu dans une pièce exigu. L'homme en tant que client est représenté dans ce livre d'une manière péjorative, comme une coquille vide répondant uniquement à des instincts primitifs. C'est essentiellement l'une des fragilités de cette investigation. Jablonka ne s'intéresse qu'à l’exaltation des fantasmes masculins. Il nie le fait qu'une population croissante d'homme attache une importance à leur aspect physique. La vision de la figure masculine aurait due être nuancée. Les femmes, adoptent pour certaines une forme de condescendance envers les esthéticiennes, exprimée par un manque d’hygiène. Face à ces manques de citoyennetés, l'historien adopte une empathie non dissimulée. Jablonka s'indigne et console. Lui qui se posait pourtant comme historien au début de l'investigation. L'homme d'histoire est avant tout un homme doté de conscience et par conséquent d'une subjectivité. Le statut d'historien apporte une impartialité à l'homme qu'il se doit de respecter. Cependant dans Le Corps des Autres la subjectivité est omniprésente. Ce qui pourrait décrédibiliser l’enquête. Malgré ce fait, le propre de l'auteur est utile voir indispensable, il permet au récit de posséder un fil conducteur, qui met en lumière le métier d'esthéticienne. Le livre se conclut sur la phrase suivante «la beauté est une forme d'humanité», superficielle à première vue. Lier des soins esthétiques à la liberté et à la vitalité semble déroutant. M. Jablonka illustre cette idée par un exemple révélateur, les femmes juives à la libération dans les différents camps de concentrations. Mères et filles ayant perdu toute forme d'humanité après la diffusion du nazisme en Europe. Devenus des corps vides et creux, lors de la libération ces visages meurtris par la violence d'une idéologie, n'ont recommencé à vivre que par le biais de l'esthétique. De la cire rouge sur les lèvres, pour oublier et effacer les sévisses subis. Un geste qui semble anodin mais qui permet d'annihiler la déchéance sociale et d’effacer les différences. Un tube de rouge à lèvre comme première étape du chemin de la reconstruction psychique et physiologique. Ces femmes souillées, déchues de leur liberté, dépossédées de toute croyance en l’Humanité et aliénées par la brutalité, voient dans le maquillage, un nouveau départ. La beauté est l'essence de la femme. Depuis l'apparition de la civilisation humaine, les femmes ont toujours fait preuve d'inventivité pour s’embellir. Actuellement, la beauté et une succession d'opérations complexes chères et parfois douloureuses. La beauté n’est pas un agrégat de qualités – mince, lisse, jeune, tonique -, mais un ensemble, où les aspects physiques jouent un rôle minoritaire.