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Le tunnel d'Ernesto Sabato

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Une actualité de Adeline
Publié le 04/06/2014
Toute notre vie ne serait-elle qu’une suite de cris anonymes dans un désert d’astres indifférents ? ». Cette interrogation de Juan Pablo Castel, protagoniste du roman Le Tunnel, résume l’univers complexe, sombre, et captivant, qui occupe les pages de ce livre. Premier ouvrage de l’auteur argentin Ernesto Sabato, devenu depuis un succès planétaire, et pour beaucoup, la plus grande œuvre littéraire latino-américaine à ce jour, Le Tunnel est un roman de passion. Passion amoureuse tout d’abord, celle d’un peintre pour une jeune femme nommée Maria, qui a su déceler dans ses tableaux des détails que personne avant elle n'avait vus. Passion destructrice aussi de cet homme devenant fou peu à peu face à la femme qui est devenue sa seule raison de vivre, mais qui le fuit à mesure qu'avance l'intrigue, et dont la personnalité se révèle particulièrement ambigüe. Passion mortelle enfin, puisque, dès l'ouverture du roman, le lecteur apprend que le personnage-narrateur de Juan Pablo raconte son histoire depuis la prison où il purge une peine pour avoir assassiné Maria. Très vite, le lecteur n'a alors de cesse que d'avancer dans une lecture qui devient de plus en plus palpitante au fur et à mesure que progresse l'intrigue. Le Tunnel, devient la métaphore de la relation complexe que vivent les deux personnages, et l’auteur en joue avec habileté et poésie. L’image renvoie à la vie de couple qui réunit les amants, mais les sépare tout à la fois, qui les tient, et sert d'échappatoire simultanément. Avançant côte à côte dans des galeries différentes, mais similaires, Juan Pablo et Maria vivent une histoire exaltante, passionnelle et folle, ivres de lumière et bientôt aliénés. Le tunnel de la vie s'est joué de leur raison, les a inscrits dans une logique insensée qui les dépasse. Progressivement, Juan Pablo se rend compte que ce qu’il croyait être le fruit d’une destinée incroyable n’était qu’une illusion. Il comprend qu'en réalité, les existences, telles les galeries du souterrain, n’ont pas de fin : elles restent toujours parallèles. Tantôt transparentes, les parois du tunnel permettent aux amoureux de se retrouver, tantôt opaques et noires, elles font naître jalousie et obsession, et distillent un poison destructeur. Ernesto Sabato signe un roman d’une finesse et d’une justesse incroyables. Par-delà l'intrigue policière, il décrit le drame de la jalousie et de la passion, mais aussi la misère de la solitude intrinsèque à la condition humaine. Le lecteur se retrouve en Juan Pablo, amoureux fou, enivré par une flamme dévorante. Le ton est d’abord léger et distancié, puis se fait de plus en plus noir, voire cynique, au fur et à mesure que le personnage raconte son extraordinaire histoire. Camille FRIRY