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Les lycéens écrivent aussi (7ème édition – billet n°18)

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Une actualité de Marilyn
Publié le 29/03/2016
Billet portant sur Jan Karski de Yannick Haenel janlogocondorcet214328Comment rendre compte de l’innommable ? Comment relater cette mission de témoignage insupportable ? Le roman de Yannick Haenel, Jan Karski, raconte l’histoire réelle d’un résistant polonais de la deuxième guerre mondiale, qui a tenu un rôle capital pendant cette période : informer les puissances Alliés de l’extermination des Juifs par les Nazis. A travers des extraits de son témoignage dans le film Shoah de Claude Lanzmann, dans le premier chapitre, et le récit de son étonnante histoire à travers l’Europe dévastée par la guerre, dans le deuxième, l’auteur nous fait rentrer véritablement dans la vie de messager de Jan Karski. Tout d’abord, il évoque dans le témoignage du film sa découverte du ghetto de Varsovie, qu’il compare à un enfer, et celle d’un camp de la mort, qui est, nous fait-il comprendre, sans comparaison possible avec tout ce qu’il avait vu précédemment. Ces visites devaient, selon les mots de deux leaders Juifs que Jan Karski a rencontrés à ce moment de son récit, «ébranler la conscience du monde ». Il décrit en effet avec quelques détails la peur et la tension extrême qui règne dans ce ghetto, les rues semblent mortes, et les Allemands y font régner la terreur. Cet entretien montre la difficulté de témoigner pour Jan Karski, forcé de se replonger dans le traumatisme de la guerre et de l’Occupation.  Le deuxième chapitre est davantage tourné vers l’action, moins sur le témoignage. Il s’agit en réalité d’un résumé fait par l’auteur du livre de Karski, Story Of A Secret State, écrit en 1944. Son récit débute en Aout 1944, soit quelques jours avant l’invasion de la Pologne par l’Allemagne. Karski, de son vrai nom Kozielewski, est envoyé à Oswieçim, pour combattre l’armée allemande, qui écrase très vite l’armée polonaise. Karski doit s’enfuir mais il se fait arrêter par des soldats Russes, alors ennemi de la Pologne. Devenu prisonnier des russes puis des allemands, il n’aura de cesse de vouloir s’enfuir pour rejoindre la résistance polonaise. C’est le portrait d’un homme extraordinaire par son courage et sa détermination qui est dressé. Arrêté, torturé, il reviendra toujours à la mission qui lui a été assignée et à laquelle il s’est identifié : témoigner de ce qu’il a vu, des atrocités commises contre le peuple juif notamment. Alerter l’Europe, puis les Etats-Unis, sur l’extermination totale en cours de réalisation, réveiller les consciences avant quil ne soit trop tard. Mais on comprend à ce moment du récit que les Alliés ne l’ont pas immédiatement cru. Le dernier chapitre est davantage une version personnelle de l’Histoire faite par Yannick Haenel. Il s’agit d’une fiction relatant des éléments de vie de Jan Karski. Ce qui ressort de cette partie du livre est que les Alliés n’ont tout fait pour sauver les Juifs d’Europe, et que cela les rend complices des crimes nazis. L’auteur explique que les diplomates américains, et des hommes politiques, dont le président Roosevelt, n’ont pas voulu entendre le témoignage apporté, et n’ont donc pas pris les mesures qui auraient dû s’imposer à l’époque. Cette partie se revendique imaginaire, on passe d’une version objective de l’Histoire ou les faits sont décrits, à une version plus subjective. L’intérêt est peut-être de nous montrer la part de subjectivité de tout témoignage mais aussi comment la substance d’un témoignage, à travers le temps et des voix différentes, nécessairement, va se modifier. C’est un livre passionnant  qui relate des faits historiques très durs, une période noire de l’histoire du monde. Au-delà de la connaissance de cette période qu’il nous apporte, il pose aussi des questions essentielles telles que la responsabilité collective dans la Shoah, l’absence de prise en charge du problème côté allié équivaut à une certaine forme de complicité avec les nazis, ce qui peut très directement nous renvoyer à l’actualité brûlante dans le monde. Il interroge aussi sur le rôle fondamental de la parole mais aussi les limites de son pouvoir d’être entendue lorsqu’elle évoque des vérités insupportables. C’est un livre qui remue, nous happe dès le début et nous captive jusqu’à la fin. La construction, loin de nuire à la compréhension de l’œuvre, renforce au contraire l’adhésion du lecteur grâce à des changements de rythme mais aussi de points de vue, ce qui permet d’éclairer l’histoire sous différents éclairages, donc d’enrichir son contenu. Je pense qu’il est très important de lire ce genre de livre afin de ne pas oublier mais aussi parce que la connaissance du passé doit orienter nos actions présentes et nous amener à réfléchir à l’avenir que nous souhaitons construire. Billet de Florian Texsier, étudiant en B.T.S. Assistant de manager

Bibliographie