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Les lycéens écrivent aussi - 8ème édition - billet n°5

Le joueur d'échecs - Stefan Zweig - collection le Livre de Poche
Une actualité de Libraires
Publié le 10/11/2016
Billet portant sur Le joueur d’échecs de Stephan Zweig
Nombreux sont, aujourd'hui, les récits qui témoignent de la déportation sous le régime hitlérien ; j'attire donc votre attention cette fois-ci sur un récit quelques peu marginal qui se concentre sur un tout autre type de torture appliquée à l'époque de la seconde guerre mondiale : la torture psychologique. C'est Stephan Zweig, qui, en 1941, entreprend de raconter l'histoire d'un homme autrichien qui fut soumis à la torture de l'isolement total, du néant absolu. En écrivant Le Joueur d'Échecs, il réussit un coup de maître car cette nouvelle est aussi captivante que brillamment rédigée.

L'histoire est constituée d'un dialogue entre un joueur d'échecs amateur et un mystérieux personnage qui est parvenu à vaincre le champion du monde d'échecs alors qu'il n'avait pas touché à un jeu d'échecs depuis plus de 20 ans. Cet inconnu, appelé M.B, raconte au narrateur son douloureux passé : Arrêté par la Gestapo après l'arrivée d’Hitler au pouvoir, il fut enfermé dans une pièce où il fut coupé du monde : plus de notion du temps, plus de place à l'imagination, sa fenêtre donnait sur un mur coupe-feu, il ne voyait aucun autre visage que ceux des officiers lors des interrogatoires, et ne pouvait parler à personne. Mettre ses nerfs à vif, lui faire perdre tout repère, y compris ceux de la raison tel était le principe de cette entreprise infernale dont le but final était de lui soutirer des informations sur les familles impérialistes autrichiennes dont il était l'avocat. Au cours de son récit, M.B détaille la dégradation de sa santé mentale liée à son emprisonnement. Dans un état de détresse aggravée, il vole, à l'occasion d'un des interrogatoires, un livre dans la veste d'un des officiers. Grande fut sa déception lorsqu'il réalise qu'il a volé un manuel répertoriant des parties d’Échecs des grand champions mondiaux. Et pourtant, c’est ce livre qui va lui sauver la vie tout en empoisonnant cette dernière à jamais... Vous en révéler plus gâcherait tout le suspens qui fait la saveur de cette nouvelle. Je m’abstiendrai donc mais il me parait inévitable de vous recommander cette lecture car ce récit est passionnant et particulièrement riche. Il entremêle plusieurs thèmes pour mieux créer le suspens mais aussi faire réfléchir le lecteur. Sur le thème du jeu d’échecs, Zweig a su placer des réflexions politiques sur l'époque nazie mais aussi des analyses psychologiques sur les ravages que peuvent causer une passion tournant à la monomanie et finissant par détruire un homme.

De plus, à travers le jeu de l’enchâssement des récits et le changement des narrateurs, on adopte plusieurs points de vue, celui de témoin à travers le narrateur, puis celui du personnage qui a directement subi la torture à travers le récit de M.B.

Ce qui m'a donc particulièrement plu dans le livre c’est d'assister à l'évolution de la santé mentale de M.B. On est témoin du début et de la fin de son calvaire, et la façon dont est récitée l'histoire nous plonge directement dans sa situation, notamment lorsqu'il se répète un nombre incalculable de fois “le même lit, la même table, la même fenêtre, le même lavabo”. Son chemin vers la folie est ingénieusement représenté et rend la nouvelle très attractive.

Nul besoin d'être joueur d'échecs pour apprécier cette lecture, qui nous fait éprouver tristesse et compassion pour M.B, et qui nous fait découvrir une autre facette des horreurs infligées aux victimes de la seconde guerre mondiale.

Billet n°5 de Lorène Heutte, étudiante en Commerce International - Lycée Condorcet

Bibliographie