Je suis une femme. Je suis une femme et au nom de mon sexe, j’invite, j’appelle, j’exhorte tous les lecteurs à découvrir et à partager le gros mot d’Eve Ensler : Vagin. Vagin dont on parle sans jamais oser le nommer, minou, marguerite, foufoune, panier, tirelire, chatte, berlingot. Vagin qu’on aime et qu’on dénigre, qu’on protège et qu’on maltraite, qu’on embrasse et qu’on déchire. Vagin qui m’appartient, qui appartient à toutes les femmes et dont les plaintes et les désirs sont encore trop souvent relégués dans les bas-fonds de l’impensable, parmi les choses qu’on ne dit pas. Un grand mot pour tout ce qui n’est pas assez montré, ni à l’école ni dans les livres, un mot pour parler de clitoris, de vulves et de lèvres sans rougir, parce qu’il n’a rien de honteux, de sale ou de pornographique.
Avec Les Monologues du vagin, le pouvoir de parole change de camp. La sexualité féminine est abordée sans tabou dans un texte fondateur, une pièce de théâtre novatrice interprétée dans le monde entier. Découvert récemment, je n’ai qu’un seul regret: j’aurais voulu que ce livre atterrisse dans mes mains d’adolescente, lorsque je me posais encore mille questions sur mon corps et ses envies. J’aurais alors entendu la voix de centaines de femmes, des jeunes, des vieilles, des minces, des rondes, des libertines, des timides, des noires, des blanches, des tristes ou des rieuses, ayant toutes une merveilleuse histoire à raconter. Heureuses simplement qu’on leur demande : Et toi alors, qu’en est-t-il de ton vagin ? Le connais-tu, l’aimes-tu, l’as-tu même déjà vu ? Quels sont ses vêtements, son odeur, s’il pouvait parler, que dirait-il ? Les réponses, toutes en spontanéité et en poésie m’auraient alors appris une chose: chaque vagin est unique et personne d’autre que moi n’a de droit sur cette intimité si singulière.
Je suis une femme. Je suis une femme et au nom de mon sexe, je vous invite, je vous appelle, je vous exhorte à écouter le cri des vagins vandalisés, souillés, bafoués et en colère. En colère d’avoir été cachés comme des objets de dégoût parce qu’ils tâchent, parce qu’ils saignent pour pouvoir offrir la vie, en colère d’avoir été jugés, traités des noms qui blessent parce qu’ils s’ouvrent aux plaisirs. Plus grave encore. Révoltés d’avoir été visités sans permission, viol. Haineux d’avoir été mutilés bestialement, excision. Eve Ensler ne prend pas de détour, ne déguise pas une réalité douloureuse derrière le masque de la bienséance. Quelque chose la tracasse, quelque chose manque à son vagin et aux vagins de la Terre entière : une communauté. Une armée de vagins unis pour partager une culture, un langage, une vérité. Une communauté pour donner une voix à celles qui n’en ont pas.
Futures lectrices et futurs lecteurs des Monologues du vagin, je vous propose de commencer par méditer sur une sage citation de l’auteure: « Plus il y a de femmes pour dire le mot, moins le dire est un problème ».
Je suis une femme et je n’ai que cinq lettres à ajouter : Vagin.