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Lolita

kedgejettelencre2020
Publié le 17/06/2020
Lolita de Vladimir Nabokov
Lolita n’est pas mon livre préféré parce que son histoire m’interpelle plus qu’une autre, ni parce que ses personnages me sont plus attachants.
Lolita de Vladimir Nabokov est mon livre préféré parce que c’est la première fois de ma vie que j’ai refermé un livre avec la sensation d’avoir traversé une épreuve bouleversante.

Le récit se présente comme les confessions d’un trentenaire pédophile surnommé Humbert Humbert qui s’éprend de Lolita, une fillette de 12 ans dont il devient un peu par hasard le précepteur. Il va user de tous les stratagèmes pour parvenir à ses fins, allant jusqu’à épouser la mère de Lolita. Jusqu’au jour où celle-ci découvre son terrible secret, avant de mourir dans un accident. On suit alors Humbert et Lolita dans un étrange voyage à travers les Etats-Unis qui fait petit à petit ressortir la terrible complexité de leur relation, et les plonge tous deux dans un abîme dont ils ne reviendront pas.

Ce livre traite donc d’un sujet tabou. Censurés, décriés, le livre et son auteur sont aujourd'hui encore critiqués. Pourtant, c’est bien l’effondrement psychologique des protagonistes qui est au cœur du roman, et pas la pédophilie. Et c’est grâce à une subtilité incroyable que Vladimir Nabokov nous le fait comprendre.

Le jeu de narration à la première personne est si bien mené, qu’il permet d’occulter une partie des détails choqueraient le lecteur.

Placé dès le départ dans l’esprit d’Humbert, le lecteur ne voit et n’observe les autres personnages quasiment qu'à travers le prisme de ses pensées. Pour Humbert, sa pédophilie est une malédiction dont il est esclave, un besoin cruel qui le dépasse et qu’il ne peut s’empêcher d’assouvir, mais jamais il ne se considère coupable. Nabokov intellectualise le vice de son personnage par plusieurs biais, si bien qu’Humbert ne se décrit jamais comme un pédophile. Il dédramatise son crime constamment. Le roman n’évoque aucunement la cruauté, le viol ou l’inceste, pourtant imputables à Humbert. Toutes les atrocités sont banalisées, c’est là le génie cruel de cette écriture.

En rendant son personnage particulièrement brillant, cultivé, charmant et cynique, l’auteur nous anesthésie et parachève de nous faire comprendre que son œuvre traitera d’un homme qui sombre inexorablement dans la folie. Folie qui, selon les dires d’Humbert, est provoquée par Lolita elle-même. Humbert est esclave de ses pulsions qu’il ne peut pas et ne veut pas combattre. Lolita, naïve, ne peut que suivre, impuissante, ce prédateur qui va briser sa vie.

Lolita n’est pas un roman que l’on dévore, consumé par la folle envie de voir les personnages évoluer. C’est un roman qui se dévoile petit à petit. Une histoire dont on dénoue les mystères en même temps que les personnages. Une tragédie qui semble ne jamais s’arrêter tant l’auteur a été cynique avec ses personnages et avec le lecteur.

En fermant ce livre, on comprend à quel point une œuvre comme celle-ci change à tout jamais la vie de son auteur et de ses lecteurs.

Bibliographie