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Pyongyang

kedgejettelencre2020
Publié le 17/06/2020
Pyongyang de Guy Delisle
Depuis combien de temps n’avez-vous pas lu une bande dessinée? Format souvent associé à la jeunesse, il existe tout autant de BD pour adultes et tout public où un œil mature permet d’en saisir toutes les subtilités, « Pyongyang » se rangeant dans la dernière catégorie.

Dans cet ouvrage autobiographique, nous suivons l’intégralité du séjour passé en 2003 par un superviseur en films d’animation à Pyongyang, la capitale du régime communiste nordcoréen. Pas de présentation ou de flashback inutile pour présenter notre protagoniste, on cerne vite la personne simple à l’humour sarcastique. Dès la première page, Guy est confronté à l’épreuve de la fouille à la douane où il doit tant bien que mal expliquer à un soldat du régime ce que raconte le roman d’anticipation « 1984 »de George Orwell trouvé dans ses affaires. « C’est un classique...euh de fiction » bafouillera notre « Monsieur Guy » (interpellé ainsi par le guide local qui le suivra tout au long de l’aventure).

La simplicité des dessins, composés uniquement de nuances de gris, permettent de s’immiscer au mieux dans l’architecture communiste de Pyongyang.

A la différence des reportages journalistiques, que l’on peut voir sur le régime totalitaire, c’est essentiellement à travers les ressentis de notre héros que l’on suit cette immersion de deux mois. Les absurdités vécues seront toujours expliquées par le québécois qui tente de comprendre lui-même le pourquoi du comment plutôt que de juger avec dureté un monde qui échapperait à n’importe qui d’étranger au régime. Tous les détails procéduriers sont d’ailleurs décrits. Cette légèreté, nappée d’une couche d’empathie de plus en plus prononcée au fil de son récit pour le peuple, et notamment pour son guide M. Kyu, apporte une vraie valeur ajoutée à l’idée que l’on peut se faire du pays.

L’exaspération face aux jugements des nord-coréens sur le capitalisme occidental entraineront notre sympathique héros à répondre avec un humour de plus en plus sarcastique et osé avec le temps. Vestiges de guerres, musées sur le régime, programmes de télé nordcoréens, incompréhensions didactiques handicapant l’avancée du film d’animation, sports nord-coréens ou encore les pratiques idolâtriques imposées sont au programme de son immersion culturelle.

Les règles imposées mettent à mal les libertés individuelles de Guy qui fera quelques écarts, ayant pour conséquence la mise en danger de ses guides, responsables de sa sécurité et surtout de sa censure. Une relation de respect et d’efforts mutuels aussi étonnante que touchante se dessinera alors entre eux. On assiste à un final poétique, humoristique et tinté d’espoir sur les relations humaines, aussi complexes soient-elles ; finalement peut-être envisageables quel que soit la taille du fossé idéologique qui les séparent. « On choisit pas les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger pour apprendre à marcher » disait Maxime le Forestier, et semble nous le répéter Guy Delisle.

Bibliographie